La motion ci-dessous a été adoptée jeudi 6 novembre 2014 en Conseil d’Administration du collège Pasteur de Villemomble.
Madame la Rectrice de l ?Académie de Créteil ayant souhaité qu ?une demi-journée de concertation sur le nouveau projet de socle commun ait lieu dans les écoles et collèges de Seine-Saint-Denis, nous nous sommes donc réunis le lundi 13 octobre 2014 pour débattre de ce projet.
Il est apparu lors des débats de nombreuses interrogations quant à cette nouvelle mouture du socle, interrogations que nous n ?avons pu faire remonter à Madame la Rectrice puisqu ?il n ?a nullement été fait question de remontée collective. Cette manière d ?agir nous a questionnés. Banaliser une matinée pour, au final, ne rien pouvoir produire de collectif, quel intérêt ? Qui plus est, Madame la Ministre de l’ ?ducation Nationale a fait savoir, lors de la séance de questions au gouvernement du mardi 14 octobre 2014, que le but de cette journée de consultation était d ?obtenir des réponses collectives des enseignants quant à ce nouveau socle. N’y a-t-il pas ici une contradiction ? Souhaitait-on réellement recueillir l’avis des enseignants de l’académie de Créteil ? Avait-on peur de leur réaction au point de ne pas souhaiter les entendre ?
La réalité est que ce nouveau projet ne fait pas consensus, loin s’en faut, et ce même parmi les plus hautes instances éducatives. Pour preuve, la démission du président du Conseil National des programmes (le CSP) chargé de rédiger le nouveau projet de socle commun, M. Boissinot, le 9 juin dernier. Celui-ci, mis en difficulté par les dissensions existant au sein même du conseil qu’il présidait, déclarait alors par voie de presse : « C’était peut-être une erreur d’avoir donné à une instance de réflexion et de délibération des responsabilités opérationnelles aussi lourdes. » Il appelait alors expressément le ministre à prendre le relais d’une mission qu’il estimait alors comme relevant de la rue de Grenelle et non d’un comité indépendant.
Rappelons tout d ?abord que le Livret Personnel de Compétences, encore en vigueur, est difficilement compatible et parfois même contradictoire avec la préparation du DNB et de la classe de seconde. Sa mise en ?uvre disparate avec, dans la très grande majorité des cas, une validation massive et artificielle des compétences par le chef d ?établissement en fin de classe de troisième, sans transparence vis-à-vis des élèves ni de leurs parents a conduit à sa disparition programmée. Ce constat émane, non pas des enseignants rétifs à ce socle, mais du Conseil Supérieur des Programmes lui-même ainsi que des services de l ?Inspection Générale.
Mais pourquoi alors faire disparaitre le présent LPC pour le voir réapparaitre dans une version qui nous paraît encore plus confuse ? Quel intérêt ? En quoi serait-ce un mieux pour nos élèves ? Faudra-t-il renoncer au brevet des collèges ? Comment évaluera-t-on dorénavant la réussite des élèves ? Y aura-t-il suppression des notes ? Ni les enseignants, ni les parents ne sont renseignés à ce sujet et le projet proposé n’apporte aucune réponse.
Il nous semble important de souligner d’une part les lacunes de ce projet, d’autre part de préciser les points de désaccord retenus par les enseignants lors de cette réunion afin qu ?ils soient exposés au Conseil d’Administration et que la communauté éducative, en particulier les parents, s ?alertent de ce que nous propose ce nouveau texte :
- Les compétences sont à nouveau au centre de ce socle. Mais nous savons tous que la validation de compétences est propre au contexte dans lequel on les applique ; dans certaines disciplines, en fonction du contexte, la compétence semble être acquise, mais il suffit de la déplacer dans une autre situation pour que l ?élève ne sache plus l ?appliquer. Dans ces cas-là, doit-on supposer qu ?une compétence est acquise ?
Qui plus est pour combien de temps ? Ne devrions-nous pas nous concentrer sur un socle de connaissances minimum. Autrefois, on appelait cela un programme ?? Autrefois ! Désormais, c ?est la confusion la plus totale qui semble poindre le bout du nez. Compétences, connaissances, valeurs individuelles sont enchevêtrées dans un seul et même projet : le nouveau Socle Commun.
Plus grave encore, cette nouvelle version persiste dans sa volonté de faire évaluer à des enseignants des savoir ?être. Ceci n ?est pas admissible et choque considérablement les enseignants. Qui sommes-nous pour évaluer l ?inévaluable : l ?individu ! A l ?heure où la note de vie scolaire a disparu par la petite porte, nous ne souhaitons pas qu ?elle revienne masquée par la fenêtre. Cette idée pernicieuse qui consisterait à « ficher » un élève, nous la jugeons tout simplement scandaleuse.
- Il est fait allusion aussi aux évaluations, dont on voudrait réduire le nombre, ce qui est contraire aux recommandations des IPR et ce qui augmenteraient encore les inégalités. Multiplier les évaluations permet d ?affiner les résultats obtenus par un élève, et de pouvoir pointer du doigt ce qui va et ce qui ne va pas. Quels parents souhaiteraient pour leur enfant qu ?il n ?ait qu ?une note par trimestre, deux si l ?enseignant est courageux !
Qui souhaiterait que l ?on ne s ?attarde plus dans ces évaluations sur les connaissances, qui sont le fondement de notre culture, mais sur les compétences, qui ont pour vocations ultimes de faire de nos élèves de futurs employés capables de taches, sans pour autant comprendre dans quel but ils les font ? Si le but ultime est la suppression des notes, nous en serions d ?autant plus contrits qu ?elle sonnerait le glas du DNB, premier examen national auquel nous sommes attachés, car équitable.
D’ailleurs, si ce projet se propose de faire réussir tous les élèves, l’intention est louable, le texte ne précise toujours pas les moyens de l’évaluation de la réussite des élèves. On était en droit d’attendre d’un texte définissant le socle qu’il définisse les modalités précises de son évaluation.
- Il n ?est nullement question dans ce nouveau projet des moyens de remédiation pour les élèves en très grande difficulté. Or, c ?est le problème majeur que nous rencontrons dans nos classes. Ces élèves décrocheurs, pour lesquels on ne propose plus aucune aide, car l ??ducation Nationale n ?a plus de quoi les financer, ceux pour lesquels il est demandé à demi-mot de faire des évaluations « adaptées », comme si cela allait les aider à progresser. Niveler vers le bas pour les élèves en difficultés, et permettre aux autres d ?avoir accès à ce qui fait la richesse de l ?enseignement en France. Belle promesse que ce socle !
- Enfin, à aucun moment dans ce projet, il n ?est fait allusion aux langues anciennes, alors que l ?accent est mis sur les langues régionales. Voudrait-on voir par là que ces langues anciennes, pourtant défendues depuis longtemps au Collège Pasteur, soient vouées à disparaître ? Il est vrai qu ?elles demandent pour être comprises, de se construire un socle de connaissances, socle qui n ?a plus lieu d ?être dans ce nouveau projet.
Pour toutes ces raisons les enseignants du Collège Pasteur de Villemomble souhaitent faire part de leur inquiétude sur ce projet de réforme.