Depuis janvier, les mouvements sociaux se poursuivent avec constance. Les gilets jaunes continuent à manifester tous les samedis et sur tout le territoire, étoffant sans cesse leurs revendications, exigeant des conditions de vie meilleures, une autre répartition des richesses et des services publics de qualité. En parallèle, des manifestations récurrentes se développent sur la question climatique. Ces mobilisations marquent le rejet de plus en plus important de la politique gouvernementale par une large majorité de la population.
Or, le Président de la République et son gouvernement accélèrent leur programme de réforme. Ayant utilisé le grand débat national pour détourner l’attention, ils poursuivent une politique qui vise à transformer radicalement le pays, en suivant sa ligne néo-libérale.
Fonction publique
Les fonctionnaires, coûteux et responsables du déficit public, apparaissent comme l’ennemi du gouvernement. Le pouvoir souhaite à la fois réduire leur nombre, ne pas augmenter leurs salaires, étouffer leurs organisations syndicales en détruisant le paritarisme, et les monter les uns contre les autres en développant l’individualisme et la concurrence. Le projet de réforme de la fonction publique est une attaque sans précédent contre les droits des personnels et leurs représentant-e-s.
C’est ainsi qu’est prévu dans le projet de loi une restriction drastique des compétences des CAP qui ne seraient plus consultées qu’en cas de recours contre des décisions sur lesquelles les commissaires paritaires n’auraient plus aucune information. La gestion des carrières, des mutations ne seraient plus étudiées en CAP, laissant les collègues seuls face à l’administration et faisant ainsi place à l’arbitraire le plus total des recteurs, des DASEN, des inspecteurs, des chefs d’établissement.
Le projet de loi institue un recours accru aux contractuels, y compris sur des postes de chefs de service, permettant la mise en place d’un salaire fixé à la tête du client.
Ce projet n’est ni plus ni moins qu’un projet de destruction du statut d’une brutalité inouïe, puisque ce sont les équilibres du statut de 1946, réaffirmés par les lois de 1982 à 1984, qui sont piétinés, et avec eux la conception d’un fonctionnaire citoyen au service de l’intérêt général, opposée à celle d’un fonctionnaire « aux ordres ». C’est tout le modèle social français et la garantie de neutralité des agents publics qui sont dans le viseur.C’est aussi le renoncement à faire évoluer la Fonction Publique pour garantir plus et mieux de services publics aux usagers sur tout le territoire. La Fonction publique reviendrait à une situation antérieure à celle de 1946, dont on sait ce qu’elle a pu permettre dans de funestes circonstances.
Ces attaques se tiennent alors que le besoin en service public est largement exprimé dans l’opinion, et en particulier en tant que garants de l’égalité entre les populations et les territoires. Les mobilisations récentes, comme celles des gilets jaunes, ont demandé des services publics de qualité. Le pouvoir exprime ainsi son mépris le plus total pour les revendications de nos concitoyens.
Loi Blanquer
La loi dite « pour une école de la confiance » s’attaque aux fondements du système éducatif et permet l’instauration d’une école néo-libérale, rendant l’élève responsable de ses choix et de ses échecs. Le texte de loi conçoit l’école publique comme une école à minima, réduisant sans cesse les possibilités d’apprentissage de ses élèves, tandis que l’enseignement privé est largement favorisé. Il institue des écoles du socle réunissant les écoles élémentaires et les collèges, visant à distribuer un savoir minimal. Il coupe en deux le second degré, poursuivant les réformes déjà entreprises par les majorités précédentes. Il permet de nombreuses expérimentations, par exemple dans les écoles publiques internationales. Par son article premier, il étend à l’ensemble des personnels le devoir de réserve, jusqu’ici réservé aux membres de la hiérarchie. Ce texte de loi est en pleine contradiction avec les mandats du SNES et de la FSU et il doit être combattu : le SNES en exige le retrait immédiat.
Réforme du lycée
La mise en place de la réforme des lycées se poursuit, confirmant les analyses que nous diffusons depuis la précédente année scolaire auprès des collègues. Les élèves ne pourront accéder à l’ensemble des enseignements de spécialité puisqu’ils n’existeront pas dans l’ensemble des lycées. Ce seront finalement les conseils de classe du troisième trimestre de seconde qui répartiront les élèves dans les futures spécialités de première, en fonction de leurs vœux mais aussi des places disponibles. A ce jour, les modalités du futur baccalauréat territorialisé ne sont toujours pas connues. La réforme se met en place dans une telle précipitation que les inspections sont obligées d’adapter en catastrophe, en cours d’année, les actuels programmes de seconde pour qu’une cohérence puisse exister entre les différents niveaux.
Le SNES-FSU doit continuer à exiger la suspension de la mise en place de la réforme, son retrait et l’ouverture de négociations pour une autre réforme du lycée. Il continue à exiger l’abrogation de la sélection à l’université. Il ne doit pas laisser penser à la profession qu’il serait possible de s’accommoder de ces différents textes. Hors de question par exemple de proposer aux collègues des menus de spécialité pour préparer les TRM ! Le SNES-FSU doit uniquement axer son travail militant sur les actions à construire pour faire échouer ces projets.
Entrée dans le métier
Avec les annonces sur la réforme des concours, on voit plus clairement où Jean-Michel Blanquer veut emmener la formation initiale des professeur-es et CPE.
Sans doute nostalgique de sa jeunesse, du temps de Sarkozy lorsqu’il était DGESCO, son objectif semble donc bien de catapulter les stagiaires à temps plein devant les classes après la réussite au concours, sans se préoccuper de la souffrance engendrée en 2010 et 2011 lorsqu’une telle mesure a été mise en œuvre (et qui avait valu une condamnation du ministère en justice). Le but est purement budgétaire : doubler les quotités de service des stagiaires pour économiser artificiellement un nombre de poste équivalent de celui ouvert aux concours, ce qui correspond aux coupes budgétaires prévues pour l’EN par Macron.
En parallèle, Blanquer veut réformer la formation initiale en « pré-recrutant » sous contrat d’AED des étudiant-e-s dès la L2 (1500 étudiant-e-s à la rentrée prochaine) qui devraient assurer en établissements scolaires une charge de travail allant croissante et passant notamment par des remplacements ponctuels des enseignant-e-s absent-e-s, faisant de ces « pré-recruté-e-s » de véritables bouche-trous sous-payé-e-s. Il est donc scandaleux de penser que l’existence de ce dispositif, réservé à quelques-un-e-s, pourrait tenir lieu d’entrée progressive dans le métier.
Avec une formation réduite à des « bonnes recettes », avec les réductions d’échelles sur la carte des formations, il s’agit aussi d’offrir moins de formation à l’INSPE. Indirectement, on irait donc vers une dégradation du métier d’enseignant-e-s, réduit à celui de simples exécutant-e-s.
A rebours, le SNES porte le mandat d’un pré-recrutement massif sous statut d’élève-fonctionnaire, dès la L1 et à tous les niveaux des cursus universitaires, rémunéré correctement, sans contrepartie dans les établissements, permettant aux futur-e-s enseignant-e-s de se concentrer sur leurs études et de préparer les concours dans les meilleures conditions. Enseignant-e étant un métier qui demande un haut niveau de qualification et de bonnes connaissances universitaires, le SNES doit se battre pour obtenir une revalorisation salariale conséquente, une entrée progressive dans le métier après la réussite au concours à master échu (tiers-temps la première année), l’amélioration des conditions de travail et une formation continuée en T1 et T2.
Le SNES doit donc rejoindre ses partenaires syndicaux, et en particulier ceux de la FSU, pour travailler ensemble à un contre-projet ambitieux pour le recrutement et la formation des professeur-e-s et des CPE.
Psy-EN, orientation
Les conclusions du rapport Mons-Charvet et les arbitrages ministériels seront connus au printemps. Pourtant la coupe est déjà pleine pour les psychologues de l’EN, les DCIO et les personnels de l’Onisep : destruction de l’Onisep, cadre de référence fixant les compétences Etat/région qui dépasse ce qui est prévu dans la loi avenir pro, décret de mise à disposition des agents de l’État aux régions qui ponctionnera les moyens sur le terrain, nouvelle vague de fermetures de CIO et affectation des PsyEN en lycée « au plus près des élèves ». Le MEN oublie que les PsyEN sont aussi au plus proches de leurs élèves quand ils travaillent au CIO, ouvert pendant les vacances scolaires pour les accompagner dans la construction de leur projet d’études. Ces derniers ne s’y sont pas trompés, c’est en nombre que les terminales ont fréquenté leur CIO lors des ces vacances d’hiver. Dans l’académie de Créteil, les CIO sont de plus en plus fragilisés : précarité budgétaire, précarité du personnels, précarité des locaux pour certains… laissant croire que le rectorat semble avoir pris des dispositions pour les fermer prochainement. Las de ces constats mais toujours déterminés, PsyEN et DCIO seront de toutes les luttes du printemps pour préserver le service public d’orientation de l’EN.
Retraité-e-s
Les semaines passent et les réformes annoncées par le gouvernement continuent à se mettre imperceptiblement en place, masquées par un « grand débat » truqué. Nombre d’entre elles concernent de très près les retraité-e-s : réforme des retraites, plan santé, loi sur la perte d’autonomie... Ces projets, s’ils sont mis en place en l’état, ne feront que renforcer le sentiment d’insécurité des retraité-e-s qui voient leur pouvoir d’achat baisser d’années en années. Beaucoup se sont reconnu-e-s dans les revendications des « gilets jaunes » et se sont exprimé-e-s lors des débats dans de nombreuses communes et aussi, comme en Seine-et-Marne lors d’un débat organisé par l’émanation du Groupe des 9 dans ce département le 19 février à Melun. Plus de soixante personnes sont venues échanger et exprimer leur angoisse face à l’avenir : angoisse d’être plus tard à la charge de leur famille, angoisse aussi face au monde qui attend leurs enfants et petits-enfants. C’est pourquoi ils sont nombreux/ses à rester mobilisé-e-s que ce soit aux côtés des actif-ve-s les 16, 19 et 30 mars, ou lors de leurs actions spécifiques comme le 11 avril, nouvelle grand journée d’action et de mobilisation à l’appel du Groupe des 9.
Autoritarisme
Depuis le début de la mobilisation des gilets jaunes, le gouvernement ne cesse de connaître une dérive autoritaire, qui accompagne les réformes décrites précédemment. Il a d’ores et déjà fait passer dans la loi une importante restriction du droit à manifester. Les violences policières se poursuivent autour des manifestations. Le SNES continue de condamner toutes les violences policières qui ont eu lieu en marge des manifestations. Il condamne l’appel à l’armée dans le cadre des manifestations des gilets jaunes. Il participera à toutes les initiatives visant à les mettre en échec. Il exige l’abandon des poursuites et l’amnistie des gilets jaunes déjà condamnés pour des faits de manifestation.
Dans l’éducation, la loi Blanquer laisse augurer toutes les dérives. D’ores et déjà, des chef-fe-s d’établissement tentent d’empêcher des réunions sur la réforme du lycée de se tenir, des campagnes de tracts. Lors des nuits d’occupation des établissements, le Rectorat et les DSDEN ont appelé à relever les noms des occupant-e-s. Les élèves en sont aussi victimes : au lycée Romain Rolland d’Ivry-sur-Seine, plusieurs élèves, dont des mineurs, ont passé 48h en garde à vue et sont convoqués au tribunal pour avoir tagué leur établissement. Ces actes marquent une volonté de toutes les autorités intervenant dans le système éducatif d’écraser le mouvement social. Le SNES-FSU doit accompagner et soutenir tous les personnels attaqués, et participer aux actions qui ne manqueront pas de se mettre en place.
Action
La FSU peine toujours à s’investir dans les actions interprofessionnelles. Notre fédération n’a toujours pas souhaiter rallier les manifestations des gilets jaunes. La mobilisation du 19 mars a été un premier pas, mais il n’a pas été possible qu’un appel national à la grève soit émis. Le rôle de la FSU est pourtant important dans la période. En effet, les autres organisations syndicales font cavalier seul, espérant sauver leur tête indépendamment les unes des autres, alors que ce sont toutes les organisations syndicales qui sont attaquées. La FSU doit retrouver son rôle moteur, en proposant ou en répondant positivement à des initiatives interprofessionnelles, visant à combattre les politiques gouvernementales et à faire gagner nos revendications, c’est-à-dire l’augmentation générale des salaires, des allocations et des pensions. Elle doit s’adresser aux gilets jaunes par l’intermédiaire d’un tract de masse, résumant nos mandats et soulignant les convergences avec elles/eux. Elle doit porter en particulier le déblocage du point d’indice, un plan de rattrapage général des salaires de la fonction publique, la revalorisation et l’extension de la zone de l’indemnité de résidence à l’ensemble de l’Île-de-France.
La FSU doit aussi être au cœur des actions contre le projet de loi sur la fonction publique. Au-delà du 19 mars, notre fédération doit produire un matériel et le diffuser massivement, dans le but de montrer aux collègues tout ce qui va changer dans leur travail quotidien, dans leurs carrières, pour leurs mutations, dans les services publics, si cette loi venait à s’appliquer. Le SNES doit soutenir l’initiative d’une grève FP en mai, mais cette action ne pourra suffire. D’ores et déjà, la FSU doit proposer à ses partenaires un plan d’action, ayant pour but de forcer le gouvernement à retirer son texte.
Dans l’éducation, les collègues, avec les parents d’élèves multiplient, dans les établissements, des actions sous des formes diverses : nuit des établissements, assemblées générales, de villes, distributions de tracts, rétention des notes, démission des professeurs principaux, refus de participer aux réunions de mise en place de la réforme... Dans notre académie, le SNES a soutenu l’existence d’une assemblée générale intersyndicale qui a fédéré les actions des établissements, par un rassemblement et une nuit régionale des établissements le 12 février dernier. Cette assemblée continue de fonctionner. A l’échelle nationale, le SNES appelle à une manifestation nationale, avec la FSU et dans un cadre intersyndical et avec la FCPE, le samedi 30 mars. Cependant, cette action ne peut rester isolée car elle pourrait apparaître comme une fin. Le SNES doit soutenir toutes les actions locales, et programmer des actions nationales permettant de fédérer toutes les luttes en cours, en les articulant avec les différentes mobilisations FP et interpro, et en les médiatisant. Le SNES doit par exemple appeler à une nuit des établissements nationale. Enfin, l’approche des examens pose la question d’actions autour du DNB et du baccalauréat : le SNES doit commencer à en débattre dans ses instances, avec les S1 et les syndiqué-e-s.
Le SNES-FSU Créteil répondra positivement aux sections départementales du SNUIpp-FSU pour appeler à la grève le 4 avril 2019. Il demande au SNES-FSU national de s’y joindre. Il soutient et appuie la mobilisation des UPE2A dans le 93, le mercredi 17 avril 2019.
Depuis le mois de janvier, des manifestations récurrentes de jeunes se développent pour demander une véritable lutte contre le réchauffement climatique. La FSU les a soutenues. Si on peut se réjouir que notre fédération s’investisse dans ce combat, il faut cependant qu’elle le fasse en cohérence avec nos mandats. Le SNES doit réaffirmer que les mobilisations pour la transition écologique ne peuvent espérer être victorieuse sans une remise en cause complète du fonctionnement de notre système économique, en s’attaquant au capitalisme financiarisé. C’est lui le responsable de la destruction de notre écosystème, c’est à lui qu’il faut s’attaquer !
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