Déclaration au CHSCTA élargi du lundi 17 septembre 2019
Monsieur le Recteur d’académie, Président du CHSCTA, Madame la Secrétaire Générale, Monsieur le Directeur des ressources humaines, Mesdames, Messieurs les membres du CHSCTA,
Nous nous réjouissons de la tenue de ce CHSCT exceptionnel consacré à la question de la prévention du risque d’exposition à l’amiante dans l’académie de Créteil et nous tenons à saluer plus particulièrement la présence autour de cette table d’acteurs essentiels, les représentants des collectivités territoriales, de la CRAMIF, et du conseiller de prévention ministériel. Cette réunion constitue la première étape d’un travail que nous souhaitons fructueux.
L’absence de représentants des municipalités ne doit pas nous faire négliger la situation très préoccupante de l’état bâtimentaire des écoles. La FSU s’est d’ailleurs associée à l’initiative de l’ANDEVA qui vise à faire de la question de l’amiante dans les écoles, une cause nationale de santé publique. Les écoles de notre académie dépendent de centaines de maires que nous ne pouvions donc pas réunir ici mais il est nécessaire de permettre à notre employeur d’assurer son rôle de prévention, et de trouver un moyen d’associer les maires à ce travail. .
La tenue de ce CHSCT exceptionnel, susceptible de déboucher sur des mesures concrètes et ainsi de sauver des vies est une nouvelle démonstration de l’importance du CHSCT comme instance garantissant la santé et le bien être des personnes au travail. Et nous ne pouvons qu’à nouveau condamner fermement toute réforme visant à lui retirer ses moyens et ses prérogatives.
Actuellement, des personnels de l’EN meurent chaque année des suites d’une exposition à l’amiante. En juin 2019, l’agence nationale de santé publique Santé publique France a publié des chiffres inédits sur les cas de mésothéliomes pleuraux, ces cancers spécifiquement liés à l’amiante, dans l’éducation nationale. Selon son programme de surveillance, l’ordre de grandeur, au niveau national, des cas de mésothéliome de la plèvre diagnostiqués entre 1998 et 2017, concernant des personnes ayant travaillé dans l’enseignement et ayant été exposés professionnellement « serait d’environ 300 hommes et 110 femmes sur vingt ans, soit environ une vingtaine de cas par an ».
20 décès par an : Il ne s’agit là que de l’estimation minimale des victimes de l’amiante dans l’Education nationale. En effet, l’exposition à l’amiante peut entraîner d’autres pathologies que le mésothéliomes : les cancers des poumons, du larynx, des ovaires…
Certaines victimes probablement exposées sur leur lieu de travail ont du mal à faire reconnaître l’origine professionnelle de leurs cancers, ignorant tout de la présence d’amiante dans leurs anciens établissements. L’information des personnels pendant leur carrière ainsi que leur suivi médical après leur départ à la retraite doit être à ce titre renforcé.
Et si nous n évoquerons pas spécifiquement dans ce CHSCT les contaminations des élèves, sujet sur lequel il n’existe à notre connaissance aucune étude spécifique, la perspective de mettre en danger des enfants, par ignorance ou mépris du principe de précaution, nous est bien évidemment insupportable.
Les dangers de l’amiante sont connus de longue date, mais ils ont été longtemps minorés ou niés par les pouvoirs publics. Dans les années 60 et 70, au moment de la massification de l’enseignement, des milliers d’écoles, de collèges et de lycées ont été construits, dans l’urgence souvent, en utilisant ce produit bon marché, aux propriétés ignifuges et bon isolant. Nous payons aujourd’hui le prix de ces choix et de cet aveuglement. En effet, l’interdiction en 1997 de l’usage de matériaux amiantés n’a pas fait disparaître la menace sanitaire.
40 ou 50 ans après leur construction, une majorité de ces bâtiments est encore utilisée et une partie des matériaux amiantés est encore là, vieillie, souvent dégradée, susceptible de répandre dans l’air les fibres cancérogènes. C’est donc maintenant que les plus grandes précautions doivent être prises si l’on ne veut pas voir le nombre de cas, que les études médicales anticipent à la hausse, augmenter de manière irrémédiable.
Face à cette situation, le rectorat a le devoir de protéger la santé de ses personnels. Il ne fait aucun doute qu’il est de la responsabilité de l’employeur d’empêcher les contaminations liées à l’amiante sur le lieu de travail. Chefs d’établissements, IEN doivent ainsi être bien informés afin de prendre les décisions qui s’imposent.
Or, les recensements du service SST de l’académie le démontre : trop d’établissements scolaires ne disposent pas du DTA, qu’ils l’aient perdu ou jamais reçu de la collectivité propriétaire du bâtiment. Cette situation concernerait une dizaine de lycées, une cinquantaine de collèges et surtout plus de 800 écoles.
A l’absence de DTA, s’ajoutent les cas extrêmement fréquents, de DTA non à jour ou aberrants, mal faits par des entreprises pas toujours scrupuleuses. Les cas se sont multipliés de diagnostiqueurs qui oubliaient de se prononcer au sujet de certains matériaux comme des enduits muraux, voire, pour un cas emblématique, qui concluaient à l’absence d’amiante sur des prélèvements de flocage mal effectués.
L’absence de DTA complet et à jour, évidemment illégale dans les bâtiments construits avant 1997, doit cesser dans les délais les plus brefs. Aucune prévention efficace n’est possible si les personnels des établissements scolaires sont privés de DTA ou incapables de les comprendre.
Le guide réalisé en GT doit permettre de remédier à ce second cas de figure. Il faut ici souligner l’implication remarquable de tous les participants, représentants syndicaux et de l’administration, ainsi que de l’inspectrice santé et sécurité au travail, Mme Rezgui, dont nous saluons l’investissement durant ces années passées, puisqu’elle est à présent amenée à occuper d’autres fonctions au rectorat.
Les échanges durant les GT ont été particulièrement fructueux, nourris de l’expérience de terrain de tous les acteurs. Le résultat, produit du consensus de nos réflexions, nous paraît particulièrement adapté à répondre aux questions immédiates de personnels qui connaissent mal les problèmes spécifiques de l’amiante et qui, confrontés à une situation de crise, comme la découverte de matériaux suspects dégradés, n’ont souvent que peu de temps pour prendre les bonnes décisions.
Afin de faire cesser les situations dangereuses, et les collectivités locales en sont conscientes, il est nécessaire de procéder à des travaux, certains d’ampleur considérable, en respectant les obligations du repérage des matériaux amiantés puis de procéder aux nécessaires confinements ou désamiantages.
Or l’expérience montre que les phases de travaux entraînent la multiplication de facteurs de risque de contamination. Là encore, il est nécessaire que règne la plus grande transparence et que l’information puisse circuler rapidement entre les établissements scolaires, les collectivités propriétaires des bâtiments et les entreprises chargées des travaux.
Nous espérons que cette séance sera l’occasion d’apporter des réponses à la mesure du défi sanitaire que nous rencontrons : Ce CHSCT doit permettre de renforcer la sensibilisation des personnels EN au risque de l’exposition amiante afin de faire disparaître les conduites inappropriées, de favoriser la concertation et l’information mutuelle entre l’EN et les collectivité territoriales ; enfin, de faciliter la reconnaissance professionnelle de l’origine des contaminations, d’améliorer le suivi médical et l’indemnisation des personnes exposées et contaminées.
Enfin, nous regrettons de ne pas voir associés aux travaux de ce CHSCT en tant qu’invités, comme nous l’avions demandé, les secrétaires du CHSCTM, le secrétaire du CHSCT de la région IDF et le secrétaire général de l’Andeva, sans explication de ces refus. Leur présence aurait pu enrichir nos discussions et ils auraient pu, en tirant le meilleur de nos réflexions, faire en sorte que ce CHSCT exceptionnel devienne un exemple dans la lutte contre le risque d’exposition à l’amiante.
C’est là toute notre ambition pour ce CHSCT.