ENTRETIEN AVEC Catherine Manciaux et Eric Mansencal
chefs d ?établissements dans l ?académie (93 et 77) secrétaire générale et secrétaire académique du snU.pden, syndicat des personnels de direction de la FSU(Fédération Syndicale Unitaire dont fait partie le SNES).
Comment avez-vous accueilli les enseignants ou CPE stagiaires dans votre établissement ?
Nous avons pu les rencontrer avant la journée de pré- rentrée. Nous avons plus insisté avec eux sur la présentation de l ?établissement, ses spécificités, le public accueilli... Nous avions globalement des attentes différentes : eux très axés sur le « matériel » quels livres, quels niveaux, les carnets d ?appel, de texte... nous sur tout ce qui devait leur être apporté dans l ?urgence en terme de « trucs » pour gérer une classe, les conseils en « kit de survie ».
Au-delà de nos craintes réciproques, nous avons cherché à les rassurer, leur présenter les équipes d ?enseignants pour qu ?ils soient tout de suite pris en charge par le groupe, qu ?ils se sentent entourés de manière bienveillante.
A la journée de pré-rentrée, une stagiaire a (par exemple) révélé qu ?elle couchait par terre à même le sol dans un appartement vide : l ?agence qui devait lui louer un meublé avait refusé de le faire à son arrivée de province sous prétexte qu ?elle n ?était pas titulaire. Après un appel à tous au moment du repas, chacun a apporté de chez lui différentes affaires inutilisées et, en quelques jours, son appartement était équipé, du lit au lecteur de cd... En quelques instants on lui a montré qu ?on était tous là pour faire face en cas de problème...
Quelles sont les difficultés que posent cette réforme pour les chefs d’établissement ?
Dans un premier temps ce sont des difficultés fonctionnelles : la prise en charge d ?enseignants fragilisés, en grande difficulté parfois qui doivent faire face à la gestion des élèves, de leur temps de travail et leur fatigue. Il faut « jouer au SAMU » à tous les niveaux et cela se surajoute à notre travail qui est déjà trop important... Bien évidemment il ne faut pas oublier, en cas de problème, tout ce qui va avec (gestion des élèves, gestion des parents...) Il faut comprendre que lorsque ces stagiaires passent la porte de nos établissements, nous leur demandons de se présenter en tant qu ?enseignants, pas stagiaires... Quand vous ajoutez à cela les problèmes que nous rencontrons avec des contractuels mis devant des élèves dans de pires conditions, les remplacements non assurés, les néo-titulaires... On parlait de SAMU, quelquefois l ?établissement est une immense salle d ?urgence hospitalière..
Quel rôle va jouer le chef d ?établissement dans la titularisation des stagiaires, et quelle est la position du snU.pden-FSU sur cette question ?
Un rôle central. Le stagiaire sera évalué par le chef d ?établissement qui émettra un avis et le Recteur validera l ?année également sur la base du rapport du tuteur et de l ?IAIPR disciplinaire. Dès la parution des textes, nous nous sommes adressés au Recteur en août et au Ministère début septembre sur cette question (M.. Blanquer Dgesco et Chudeau, Direction de l ?encadrement). Nous avons soulevé des problèmes auxquels ils n ?avaient pas pensé : Quand il n ?y a pas de tuteur officiel, qui exerce cette mission à part le chef d ?établissement ? L ?évaluation repose donc pour une part encore plus importante, sur nous.
Comment évaluer ces nouveaux stagiaires ?
Vues les conditions qui leur sont imposées, il ne peut être question de les évaluer comme leurs prédécesseurs... Quelles seront les remédiations possibles en cas de difficulté ?
Le snU.pden souhaite que soient largement prises en compte les conditions dans lesquelles ont été plongées les stagiaires. Ces jeunes enseignants sont maltraités par l ?institution (et ils feront encore les frais l ?an prochain des restrictions budgétaires en n ?ayant pas de décharge horaire en tant que néo-titulaires).
Le SNES-FSU a été contacté par de nombreux stagiaires car leur chef d ?établissement (à l ?appel du syndicat majoritaire des chefs d ?établissement le SNPDEN-UNSA) refusait de les laisser partir en formation si cela entrainait des heures de cours supprimés pour les élèves. La pression était encore plus forte pour les absences pour formation syndicale.
Approuvez-vous ce genre d ?initiative des chefs d ?établissements ?
Nous n ?avons pas à nous prononcer sur les positions de nos collègues, vous le comprendrez bien.
Nous pouvons vous expliquer celle de notre syndicat : La situation de la formation des stagiaires est très différente d ?une académie à une autre. Certaines ont fait le choix de mettre en situation les stagiaires à l ?année en les libérant pendant plusieurs semaines entières pour leur formation. Dans ce cas nous avons appelé à ne laisser partir ces stagiaires qu ?à la condition qu ?ils soient remplacés, pour forcer l ?institution à prévoir les moyens de remplacements, assurer l ?enseignement auquel les élèves ont droit et ne pas plus encore désorganiser les établissements.
A Créteil un choix plus judicieux a été fait en libérant les stagiaires une journée (mais cela a compliqué la réalisation des emplois du temps de nombreux établissements). Nous n ?avons pas appelé à interdire aux stagiaires de partir lorsqu ?il leur a été proposé une formation exceptionnellement sur un autre jour. Pourquoi les stigmatiser ? Les autres enseignants ne sont pas empêchés de partir en stage si cela tombe en dehors de leur journée libérée... Pourquoi le faire pour eux seuls ? La véritable question de fond est de savoir si ce ne serait pas une bonne chose que tous les enseignants puissent être remplacés pendant leur formation (continuée ou autre). Nous serons sûrement d ?accord avec cela...
Attention cependant à ce que les formations ne se déroulent pas dans un proche avenir sur le temps de repos (vacances) pour des raisons là encore, budgétaires... C ?est déjà le cas pour certaines formations des personnels de direction, nous ne le souhaitons à personne !!!
En ce qui concerne les formations syndicales nous ne dirons qu ?une chose : dans notre syndicat, le snU.pden-fsu, nous ?uvrons au quotidien pour que nos supérieurs reconnaissent que les personnels d ?encadrement ont aussi des droits... ce n ?est pas pour les supprimer aux autres catégories de personnels.
Sébastien de SCHRYVER