11 décembre 2015

Les retraité-e-s

La sécurité sociale, un bien à préserver et à améliorer

Brève histoire de la Sécurité sociale

L’assistance est la plus ancienne forme de protection sociale. Elle repose alors sur la charité organisée par l ??glise et le pouvoir qui construisent des hospices comme à Beaune ou l’hôtel des Invalides.
A la révolution, dès 1793, un projet de loi est élaboré non suivi de mise en acte.
Vers 1850, les progrès de l’industrialisation et les conditions de travail déplorables entraînent maladies professionnelles, accidents du travail, catastrophes dans les mines, les chemins de fer ?? si prégnant dans les romans de Zola. Le patronat qui refuse des assurances collectives, privilégie les réponses individuelles même si certains patrons mettent en place des modalités de paternalisme social comme Menier à Noisiel ou Schneider.
Mais Thiers, le boucher de la Commune de Paris, est farouchement contre toute loi et toutes contraintes. Il préfère la « providence patronale » qui assujettit le travailleur à l’entreprise et l’isole des autres travailleurs.
Malgré tout, la lutte des classes reprend de l’ampleur : création des syndicats, grandes grèves, révoltes ouvrières. Devant la montée des luttes en Allemagne, le Chancelier Bismarck crée le premier système de Sécurité sociale financé par les cotisations. Aux ?tats-Unis le New Deal de Roosevelt admet l’intervention de l ??tat dans la société libérale de l’époque. En Angleterre, c’est Beveridge qui crée le système de protection sociale financé exclusivement par l’impôt.
En France, plusieurs lois se succèdent :

  • 1910, retraites ouvrières et paysannes, faibles prestations avec un principe de capitalisation devenu inefficace à la sortie de la guerre de 14 ;
  • 1928, système d’assurance empêché d’application par les patrons ;
  • Début 1940, protection sociale et solidaire de type assurantiel mais ni obligatoire ni général. Il faut attendre le programme du Conseil national de la Résistance pour une protection sociale universelle, obligatoire et solidaire.
  • A la Libération, le rapport des forces est largement en faveur de la classe ouvrière : le patronat collaborationniste est disqualifié, la CGT a cinq millions d’adhérents, le Parti Communiste Français obtient 28 % des voix aux élections. Le 4 octobre 1945, l’Assemblée adopte le plan de Sécurité sociale présenté par Ambroise Croizat secrétaire général de la fédération des Métaux et député du PCF qui est à l’origine des deux ordonnances fondatrices. Pour faire appliquer ce plan Ambroise Croizat devenu ministre, et Pierre Laroque, directeur général des assurances sociales, se chargent de mettre en ?uvre les ordonnances. La loi de généralisation sera votée le 22 mai 1946.
  • Désormais la protection sociale est un droit fondamental et non plus un système d’assurance pour couvrir un risque. Cette transformation fondamentale est tout de suite combattue par le patronat et un partie de la droite qui tentent d’entraver sa mise en place .En revanche, la CGT met toutes ses forces dans cette bataille de sorte qu’aux premières élections aux conseils d’administration de la Sécurité sociale et d’allocations familiales en 1947 près de 3 salariés sur 4 votent pour la CGT.
    Ce résultat n’arrête pas les attaques réactionnaires qui prétendent que le système est trop coûteux pour les entreprises, inadapté à l’évolution démographique, attentatoire aux libertés individuelles... Le lobby des assurances privées est de suite à la man ?uvre. Malgré tout la Sécurité sociale devient réalité.
    Garantir à tous les citoyens un haut niveau de protection sociale suppose de dégager les moyens financiers nécessaires.

Le financement de la Sécurité sociale

La base du financement de la Sécurité sociale est la cotisation sociale qui constitue un salaire socialisé, autant la part salariale que la part dite patronale. Ces cotisations sont donc bien une composante de la rémunération des salariés. Baisser les cotisations dites patronales revient évidemment à baisser les salaires. C’est sur les richesses produites par les salariés qu’est prélevée la part socialisée, et cette part est redistribuée immédiatement sous forme de prestations selon le principe : chacun participe selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Ce sont les actifs producteurs de richesses qui financent les dépenses de santé, d’accidents du travail, d’allocations familiales, de retraites et de perte d’autonomie des non actifs. La cotisation n’est pas un salaire différé car le cotisant ne paye pas ses propres prestations et ne met pas dans un coffre une somme qu’il utiliserait en cas de difficultés dans l’avenir. Chaque génération prend ainsi en charge les générations précédentes.
Ce principe s’oppose à celui qui régit les assurances privées qui individualisent au lieu de socialiser.
Le patronat et la droite ont combattu dès le départ la cotisation qu’ils appellent « charges » (pour la part patronale uniquement d’ailleurs !). Il s’agit pour les assurances privées de mettre la main sur les 479 milliards de la Sécurité sociale, soit ¼ du PIB de la France. Le fameux trou de la sécu ou son déficit abyssal ou les fraudes des assurés (pas celles des patrons) qui sont largement médiatisés formatent l’opinion publique pour orienter les jeunes notamment, vers des assurances privées, des complémentaires et des sur-complémentaires pour la santé ainsi que des placements hasardeux vers des fond de pension par capitalisation.

Quelle est la situation réelle ?

Dans les années 1999, 2000, 2001 la Sécurité sociale était excédentaire.
En 2016 le déficit prévisible de la Sécurité sociale serait de 8,5 milliards d’euros soit moins de 2 % du budget global ou moins de 8 jours de fonctionnement. L’état quant à lui traîne un déficit annuel de près de 18 % d’un budget total de 375 milliards d’euros. La dette cumulée de la sécurité sociale est 10 fois moindre que celle de l’état (200 milliards contre 2 000 milliards).
La sécurité sociale ne souffre pas d’un excès de dépenses mais d’une insuffisance de recettes due principalement à la situation économique : chômage, bas salaires, précarité. Par exemple, l’égalité salariale homme / femme rapporterait plus de 10 milliards dans les caisses !
De plus, la multiplication des exonérations patronales pèse plus de 25 milliards d’euros auxquels il faut ajouter 10 milliards du pacte de responsabilité, 16 milliards de travail dissimulé, 20 milliards de fraude à l’embauche (travailleurs dits indépendants à la place de salariés) et 15 milliards de niches fiscales diverses. On arrive facilement à un total de près de 80 milliards qui n’abondent pas le budget de la Sécurité sociale, soit près de 10 fois le célèbre trou abyssal !
Les dépenses de la Sécurité sociale sont maîtrisées : 4 % de coût de gestion à comparer aux 15 à 20 % des assurances privées qui vont dans la poche des actionnaires.
La fraude due aux assurés représente 0,5 % soit 3 milliards, celle des employeurs 16 milliards.
Toutes ces vérités sont bonnes à dire !
Le pouvoir aussi lorgne sur les quelques 500 milliards de la Sécurité sociale. Il s’agit à la fois d’économiser sur les dépenses et d’étatiser les recettes.
Les déremboursements dans la branche santé, les réformes successives des retraites pour baisser les pensions, la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, tout concourt à des économies importantes. La Contribution sociale généralisée (CSG) est une forme d’étatisation des recettes. Elle s’est mise en place contre les cotisations. Le parlement prend la main sur le budget de la Sécurité sociale, écartant ainsi les salariés des conseils d’administration.
Concernant la branche santé l’objectif est d’économiser 10 milliards d’euros d’ici 2017 dont 3 milliards sur les hôpitaux dès 2016. En même temps, les complémentaires santé obligatoires dans toutes les entreprises privées au 1/1/2016 doivent compenser le reste à charge dû au déremboursement de la Sécurité sociale qui ne rembourse le petit risque qu’à 50 %. La position des mutuelles est fragilisée et celles-ci adoptent les mêmes critères que l’assurance privée. La MGEN est sur cette dérive assurantielle.
Concernant les retraites, la méthode est connue. D’abord médiatiser l’idée qu’il sera impossible de payer les pensions dans l’avenir puisque l’on vit plus longtemps puis apparaître comme le sauveur du système par répartition tout en remettant en cause les régimes spéciaux dont celui de la fonction publique qui avantage ces « privilégiés » le tout en mettant en avant l’équité ; ensuite mettre en place un simulacre de négociations de concertation dans différents hauts conseils ; à la fin, c’ est le patronat appuyé par quelques syndicats qui donne le la des réformes. C’est exactement ce qui vient de se passer à l’AGIRC ARRCO.
Conséquences : baisse des régimes de base, orientation vers la capitalisation, cumul emploi retraite et individualisation des situations.
Mais comme il y a 8 millions de pauvres dans le pays, il est nécessaire de mettre en place des filets de sécurité, pour les personnes âgées notamment, ce qui permettra en outre une stigmatisation de ces populations !
Toutes ces réformes conduisent à une maîtrise comptable de la santé, de la retraite, de la perte d’autonomie. Elles s’accompagnent d’un déficit démocratique puisque les élections à la Sécurité sociale ont été supprimées.

A la reconquête de la Sécurité sociale

La Sécurité sociale est au c ?ur de la protection sociale en France. Elle a permis des progrès considérables en matière d’accès aux soins de santé, de droit à une juste retraite et de politique familiale solidaire. Il en a résulté des améliorations considérables concernant la qualité de vie et l’espérance de vie bien que les inégalités devant la maladie et la mort demeurent importantes .La sécu est un acquis social essentiel, un des pivots de notre système social qui permet le « vivre ensemble » dont nous avons tellement besoin en ce moment. Nous proposons une nouvelle dynamique de développement pour un haut niveau de prestations, basé sur un autre partage des richesses produites par les travailleurs, favorisant l’emploi stable, rétribué par des salaires nettement réévalués.
Ce qui a été possible en 1945 dans un pays à reconstruire est bien sûr possible aujourd’hui dans la 5e puissance économique mondiale.
Pour cela, il nous faut :

  • reconquérir la démocratie dans la Sécurité sociale et dans le système de santé ;
  • garantir et maintenir un financement assis sur le travail par des cotisations sociales en écartant la fusion de la CSG (même progressive) et de l’impôt sur le revenu ;
  • stopper les exonérations de cotisations sociales aux employeurs ;
  • reconstruire un système de santé qui donne la priorité au public ;
  • et permettre l’accès aux soins pour tous.
Jean-Bernard SHAKI