13 décembre 2015

Les retraité-e-s

L’accès aux soins

 ?tat des lieux

L’accès aux soins peut être défini comme la facilité plus ou moins grande avec laquelle une population peut s’adresser aux services de santé dont elle a besoin. Cela suppose donc l’existence et la proximité de tels services : soins de premier recours, soins spécialisés et soins d’urgence ou de longue durée. Cela suppose également la possibilité financière des malades pour y accéder.
Concernant les structures de soins, le système français est caractérisé par une dualité entre médecine libérale et médecine publique autant pour les soignants que pour les établissements.
Les politiques d’austérité menées depuis des années ont mis à mal notre système hospitalier en fermant lits et services publics :

  • 144 maternités publiques fermées entre 2001 et 2010 ;
  • 117 471 lits hospitaliers supprimés entre 1995 et 2012 créant un engorgement systématique des services d’urgence faute de lits d’aval en nombre suffisant ;
  • Fusions d’une centaine d’hôpitaux entre 1995 et 2005 accompagnées de 1 146 opérations dites de reconversion.

Pour les patients, cela se traduit par une augmentation constante des délais pour les consultations et les hospitalisations, par des déplacements importants pour les prises en charges spécialisées.
Le projet de loi Touraine qui ne revient pas sur la loi Bachelot et donne tout pouvoir aux ARS maintient et aggrave cette politique prévoyant la fermeture de milliers de lits supplémentaires, d’hôpitaux publics entiers ainsi que la création de Partenariats public-privé faisant la part belle au privé pour s’accaparer ce qui est le plus rentable.
Ce plan de 10 milliards d’économies dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux publics s’accompagnent de 22 000 suppressions de postes.

Un exemple : la situation en Seine-et-Marne

La Seine-et-Marne n’est pas épargnée. Les camarades peuvent témoigner de leur résistance à cette destruction systématique de nos hôpitaux que ce soit à Fontainebleau, Nemours, Melun, Lagny ??
Cette privatisation-concentration fait ainsi apparaître des déserts médicaux car elle éloigne les malades des lieux de soins et des spécialistes.
Les centres de premier recours sont notoirement insuffisants ainsi que la formation de jeunes médecins. La Seine-et-Marne est ainsi le seul département de l’Ile-de-France dépourvu de CHU et d’une filière d’études médicales complète. C’est le dernier dans la Région concernant les centres de santé. C’est fort logiquement le dernier concernant l’espérance de vie (classement dû à une mortalité supérieure aux moyennes régionales de 14 %).
La démographie médicale est alarmante : sur 96 départements métropolitains la Seine-et-Marne se classe 92ème pour la densité de médecins libéraux avec une densité de 80 médecins pour 100 000 habitants contre 107 en moyenne, avec des inégalités à l’intérieur du département : Chelles, Coulommiers, Mitry-Mory, Nemours, Provins comptant moins de 70 médecins pour 100 000 habitants. De plus, la part des médecins âgés de plus de 55 ans est passée de 33,5 % en 2008 à 49,5 % en 2013. Par exemple à Mitry-Mory, Montereau ou Noisiel plus de 60 % d’entre eux ont plus de 55 ans.
Concernant les spécialistes le département compte 66 médecins pour 100 000 habitants contre 94 en moyenne métropolitaine.
Le département est 88ème pour le taux d’équipement en établissements d’hébergement pour adultes handicapés, 94ème pour les lits de médecine, 93ème pour la psychiatrie ??
La PMI est à la recherche de médecins. La médecine scolaire est sinistrée avec 1 médecin pour 10 000 élèves. La médecine du travail est quasi inexistante. Les personnels paramédicaux (infirmières, kinésithérapeutes, psychologues ??) manquent également à l’appel.

Les conséquences d’une situation si dégradée

Ces carences ne constituent pas la seule raison des difficultés à se soigner.
L’accès aux soins est très largement conditionné par le coût de ceux-ci et la cause première de non recours ou d’abandon des soins est d’abord d’ordre financier.
Sont concernés en premier les lunettes, les prothèses dentaires ou auditives, les prises de médicaments insuffisamment remboursés et, paradoxalement, ce sont ceux qui ont le plus besoin de ces soins qui sont les moins biens protégés : plus on est pauvre, plus on est malade et moins on est couvert ! Les jeunes, les étudiants, les chômeurs et les personnes âgées étant souvent impactés par ce phénomène.
La généralisation des complémentaires santé qui s’accompagnent de moindre remboursement par la
Sécurité sociale ne peut qu’aggraver le phénomène : le moindre euro transféré de l’assurance sociale vers les complémentaires est un euro qui renforce les inégalités.
En rendant les soins plus chers pour les plus pauvres, ces derniers sont dans l’obligation de consacrer une part plus importante de leur maigre budget aux soins de santé et donc à de sacrifier d’autres postes de consommation y compris l’équilibre alimentaire indispensable pour rester en bonne santé, c’est un cercle vicieux qui s’accompagne souvent de précarisation accrue et quelquefois d’exclusion sociale.
L’origine du non recours aux soins peut être aussi culturelle frappant des populations déjà en marge comme les Roms, les sans-papiers, les étudiants et, pour d’autres raisons, les handicapés.
Se soigner c’est pour certains, faire un véritable effort sur soi-même pour reconnaître les symptômes de sa maladie, pour oser se présenter devant un médecin malgré la fatigue, le manque d’argent, l’impossibilité d’un effort supplémentaire ... Toutes ces circonstances font que le soin sera différé parce que d’autres priorités telles que chercher du travail, un logement ou tout simplement nourrir la famille et élever les enfants occupent le temps jusqu’à l’excès.
Lorsque la situation est trop détériorée pour soi ou les enfants le recours aux urgences devient inévitable.
Le renoncement d’une partie de la population est dramatique, pour elle-même, pour les structures d’urgence encombrées, mais aussi pour le reste de la population car les virus et les microbes ne connaissent pas les frontières géographiques ou sociales, la réapparition des maladies contagieuses comme la tuberculose en est le signe.

Quels remèdes ?

Les solutions sont connues  :

  • Remboursement des soins à 100 % par la Sécurité sociale : ce n’est pas une utopie puisque le régime d’Alsace Moselle rembourse à 90 % ;
  • Pôle public des médicaments pour soustraire ceux-ci à l’appétit des grands groupes pharmaceutiques ;
  • Généralisation de la prévention dans des centres de santé de proximité ;
  • Priorité au service public de santé ;
  • Dégel du numerus clausus permettant de former 50 000 médecins dans les 10 ans à venir soit une augmentation de 5 000 par an.

Des objectifs ambitieux et réalistes à défendre dans le SNES et la FSU.

Jean-Bernard Shaki