A l’occasion des 10 ans de notre circulaire de missions du 10 août 2015, la 5e rencontre nationale sur le métier de CPE a rassemblé de nombreuses et nombreux collègues le 5 novembre dernier à la Bourse du Travail de Paris. Vous pourrez retrouver prochainement sur votre espace adhérent.e du SNES les capsules vidéo réalisées à cette occasion.
Mais quel rôle a donc joué le secteur CPE du SNES dans la réécriture de la circulaire de 1982, qui a abouti au texte de 2015 ?
A son arrivée à la tête du ministère de l’Éducation nationale en 2012, Vincent Peillon décide de s’atteler à la réécriture de l’ensemble des circulaires de missions et des ORS des professionnel.les de l’éducation. Professeurs du premier degré, du second, CPE : tout le monde est concerné par cette opération de « dépoussiérage », d’autant plus nécessaire qu’au tournant des années 2000 les turbulences ont été nombreuses. Sous la houlette des présidents Chirac et Sarkozy, les ministres Ferry et Chatel, épaulés par le DEGESCO d’alors Blanquer, se sont adonnés à une véritable « entreprise de casse » de la fonction publique d’éducation. L’alternance politique ne reviendra pas sur beaucoup de réformes, cependant une autre méthode va présider quelques temps.
Pour les CPE, le chantier de réécriture de la circulaire historique de 1982 démarre en janvier 2014 et le SNES a bien préparé son dossier.
Fort de sa représentativité auprès de la profession, il a déjà organisé des collectifs académiques dont les travaux ont abouti à la rédaction du texte « Pour le métier de CPE ». C’est sur cette base que le SNES va porter à la table des négociations la vision du métier de celles et ceux qui le pratiquent au quotidien. Il la porte avec encore plus de légitimité qu’il dispose, contrairement aux autres organisations syndicales, d’un secteur dédié au métier et du poids de syndicat majoritaire dans le second degré.
Ainsi Philippe Guingand (académie de Caen) et Olivier Raluy (académie de Clermont-Ferrand), deux CPE de terrain élus en Commission Paritaire, sont assistés à chaque round de négociations par Frédérique Rollet, alors secrétaire nationale de l’organisation.
Par leur travail de préparation et leur connaissance du métier, ils parviennent à faire amender très largement le projet du ministère qui porte, lui, une vision pour le moins managériale de la profession (voir L’US n°754 du 12 septembre 2015).
Si toutes les batailles ne sont pas gagnées lors de ces discussions et se doivent d’être poursuivies, le SNES parvient à remettre l’éducatif au centre de la réflexion et à sortir les CPE d’une relation duelle avec les chefs d’établissement. Cette victoire se fait au grand dam d’une partie du corps d’inspection et des chefs d’établissement, que le ministère n’a pas voulu voir siéger à la table des négociations et qui n’ont eu de cesse, depuis, de feindre d’ignorer ladite circulaire et les explicitations qu’elle comporte, comme sur le temps de travail par exemple.
Mais où en sommes-nous, 10 ans après ?
Portrait de la profession à travers l’enquête CPE ( L’US n°862 du 27 septembre 2025 )
De mai à juin 2025, le secteur national des CPE du SNES et les secteurs académiques ont sollicité l’ensemble de la profession pour une enquête de 64 questions ouvertes à tous les CPE, adhérent.es et non-adhérent.es du SNES, quel que soit leur statut ( titulaires, TZR, stagiaires, contractuels).
Derrière cette initiative, plusieurs ambitions :
– dresser le portrait de la profession en 2025
– faire le point sur l’appropriation de la circulaire par la profession et par les autres acteurs de l’EN
– faire une comparaison avec la précédente enquête de 2018
Premier constat, les CPE sont attachées à cette circulaire qui correspond à leur vision du métier (63,2%) et qui est un point d’appui pour leur exercice quotidien (70% soit + 8 pts par rapport à 2018).
Le tiercé gagnant des missions reste inchangé : le suivi des élèves arrive en tête devant l’accueil et la sécurité des élèves et le contrôle de l’absentéisme. On relève que l’animation de l’équipe vie scolaire est une priorité dans le quotidien professionnel pour seulement 4,4% des sondées, ce qui ne manque pas de créer des tensions avec les chefs d’établissement qui semblent, pour pas mal d’entre elles et eux, méconnaitre cette circulaire. Selon les répondantes, elle ne correspondrait ainsi pas à la vision du métier portée par un tiers des cheffes d’établissement !
Second constat, 70% des CPE interrogées déclarent noter une dégradation de leurs conditions de travail ces 5 dernières années. Celle-ci est marquée par des tensions avec les familles (55%) et avec les directions (42%), par les dépassements horaires et plus particulièrement pour les femmes qui représentent les ¾ de la profession. Elle est marquée également par l’insuffisance des moyens donnés (43%), les situations sociales et de santé mentale des jeunes (42%) et un tassement des taux de satisfaction dans la collaboration avec les équipes et les familles.
Ainsi la crise sanitaire qui a percuté l’ensemble de la société a amplifié les ravages des dernières politiques libérales sur l’ensemble des services publics, et plus particulièrement sur celui de l’éducation. Les CPE, par leur position d’interface au sein des EPLE, en sont particulièrement affectés dans l’exercice de leur profession au quotidien.
Et maintenant ?
Si aucun projet de réécriture de la circulaire n’est sur la table aujourd’hui, les attaques sur le métier ont repris de plus belle depuis 2017. Sous l’ère macroniste, la « méritocratie », le « pilotage », l’« innovation » tiennent souvent lieu de philosophie et l’autoritarisme de méthode de « management ». Cette méthode s’appuie sur un discours qui discrédite et vise à neutraliser toute contradiction.
Cette méthode s’inscrit de même dans un contexte de « quasi-suppression du paritarisme, et la fusion, puis la fonctionnalisation, des inspections générales, désormais chargées de l’exécution et du contrôle des décisions ministérielles, et non plus vouées au libre conseil éclairé dont elles avaient auparavant l’office. » (Tribune Le Monde du 23 octobre 2025, Burbage et Mathias, Doyens du groupe de philosophie de l’Inspection Générale de l‘EN). En cause ici, la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 qui a réduit les instances paritaires au minimum voire au néant, et le poids du dialogue social avec les organisations syndicales à peau de chagrin.
A cela s’ajoute également la tentation du "tout sécuritaire", portée par la montée en puissance de l’extrême-droite et de ses idées qui imprègnent le discours et les « innovations » des gouvernements macronistes : SNU, port de l’uniforme, fouilles aléatoires des sacs, blocages lycéens et étudiants levés à coups de boucliers anti-émeutes et de gaz lacrymogène... Un retour de l’autorité qui se confond avec l’autoritarisme. Nos élèves ne sont plus éduquées ni écoutés, ils sont craints et on essaie de les dresser en conséquence.
Le SNES-FSU entend défendre les droits de chacune et chacun d’entre nous dans nos établissements. Quelle que soit notre situation quotidienne, même lorsque la tentation du repli est forte, nous avons le pouvoir de nous mobiliser, en faisant appel à la section académique qui apportera appui et conseil : cpe@creteil.snes.edu
Par les stages de formation, les publications, l’information et le soutien des collègues à toutes les échelles du local au national, le SNES-FSU se bat pour structurer une profession forte, consciente de sa valeur et capable d’imposer la cohérence entre le « métier prescrit » (celui de la circulaire de 2015) et le « métier réel » sur le terrain (notre réalité).
Le SNES-FSU ne cherche pas à mettre le métier sous cloche, bien au contraire il lutte avec acharnement pour en renforcer l’aspect éducatif, l’autonomie et la légitimité dans la politique éducative de l’établissement.
Fort de son organisation en sections d’établissement, départementale et académique, le SNES FSU peut peser dans les négociations nationales pour dénoncer les pratiques qui tentent de réduire les missions des CPE à des tâches managériales et bureaucratiques.
Le SNES-FSU revendique des créations massives de postes de CPE pour garantir un encadrement éducatif cohérent avec un.e CPE pour 250 élèves et des conditions de travail respectueuses et dignes pour chacune et chacun.
Largement à la manœuvre pour que la circulaire de 2015 voit le jour, après moult réunions au MEN il y a 10 ans, le SNES-FSU reste aujourd’hui aux côtés des collègues pour défendre leurs droits dans le respect de leurs missions.
