Les personnels du lycée Sonia-Delaunay de Cesson ont décidé de répondre à un article du Parisien publié le 23 septembre dernier.
"Après la visite de Mme Pécresse, présidente de la région Île-de-France, au sein du lycée Sonia Delaunay de Cesson Vert–Saint-Denis, un article est paru affirmant que les enseignants seraient « conquis » par les outils numériques mis à disposition par la région.
Seul le professeur référent numérique de l’établissement et coordinateur régional pour les ordinateurs fournis par la région a été consulté lors de cette visite. Ce professeur, par sa fonction, est tenu d’appliquer les directives de la Région, indépendamment de l’avis de ses collègues. Aucun autre professeur n’a été interrogé lors de cette visite, puisque les cours se déroulaient en même temps.
L’article mentionne en outre des « manuels libres », mais confond l’utilisation de la plateforme Pearltrees par les enseignants, qui leur permet de stocker leurs documents ou leurs vidéos et d’interagir avec les élèves, avec l’utilisation des « manuels libres » proposés sur cette plateforme depuis 2024, et non depuis 2019 comme l’indique l’article. Cette terminologie empruntée au monde des logiciels libres, qui promeut l’ouverture et la gratuité, est utilisée pour désigner une plateforme privée, Pearltrees. La région Île-de-France a d’ailleurs signé un accord de monopole avec cette entreprise, ce qui contredit totalement l’idée de liberté ?pédagogique.
Contrairement à ce qui est affirmé, les enseignants du lycée Sonia Delaunay ont, lors du conseil pédagogique, exprimé leur souhait de revenir aux manuels papier. Par ailleurs, cette année, le budget attribué à l’établissement pour l’achat des manuels numériques choisis par les enseignants a été diminué de 40 000 à 13 000 euros, ce qui a obligé les professeurs à renoncer à leurs outils pédagogiques.
L’article, relayant les propos de la Présidente de la région, présente Pearltrees comme une « ?technologie révolutionnaire ? ». En réalité, il s’agit d’une simple plateforme de partage de cours et d’exercices, similaire à de nombreuses autres. Il y a d’ailleurs peu de plus-value pédagogique dans la mesure où certains élèves ne s’y retrouvent pas, la considérant comme une plateforme brouillonne. Le directeur marketing et commercial de Pearltrees prétend que la plateforme permettrait aux enseignants « de gagner 8h par semaine ». Pourtant, nous n’avons remarqué aucun bénéfice mais plutôt un surcroît d’investissement pour fournir aux élèves un support supplémentaire. Pour ce qui est des « manuels libres » disponibles sur cette plateforme depuis 2024, ils ne couvrent pas l’ensemble des disciplines et sont très peu fournis en matière de contenus, activités documentaires et exercices. Ils ne peuvent absolument pas se substituer aux manuels écrits par les éditeurs historiques.
Alors que les écoles des cadres de la Silicon Valley prônent une « désescalade technologique » pour préserver les capacités cognitives des élèves, la région Île-de-France impose le « tout-numérique ». Cette approche conduit à une augmentation du temps d’écran pour les jeunes Franciliens, et a des conséquences directes et scientifiquement prouvées sur leur développement. L’excès d’écran entraîne notamment une perte de la mémoire kinesthésique, une diminution de la créativité manuelle et une dégradation des capacités de mémorisation, l’esprit déléguant cette fonction aux outils numériques.
Lors de sa venue, Madame Pécresse devait initialement inaugurer huit nouvelles salles de classe, remplaçant les quatre existantes, dans l’optique d’améliorer les conditions de travail de tous. Elle devait également effectuer une visite des sections professionnelles et de l’Histoire des arts, qui sont des spécificités de ce lycée.
Cependant, l’article ne mentionne pas du tout les nouveaux bâtiments. Finalement, seuls les aspects numériques et commerciaux privés ont été mis en avant, reléguant au second plan les véritables enjeux éducatifs et sociaux qui animent les enseignants. Nous regrettons que cette visite ait été instrumentalisée au profit de la mise en avant de décisions politiques contestées."
Collectif des enseignants du lycée Sonia Delaunay