9 mars 2015

le métier

Nouveau socle / nouveaux programmes : le guêpier de la polyvalence par les compétences

La réforme des structures du collège prévoit des enseignements transversaux et modulaires : le nouveau socle leur confère un cadre méthodologique ; la refonte des programmes, un ancrage programmatique. Le collège perdrait son cadre disciplinaire au profit d’enseignements polyvalents. Progressivement, il ne serait plus le lieu de « l’entrée en discipline » préparant tous les élèves à la poursuite d’étude au lycée. Ses pratiques se calqueraient plus étroitement qu’aujourd’hui sur celles de l’école primaire et sur les compétences attendues par les défenseurs de la flexibilité économique et de la déflation salariale. Dans la perspective d’un nivellement des contenus, les enseignements transversaux ne seraient plus qu’un prétexte. Ceux-ci permettraient aux élèves d’acquérir un portefeuille de compétences, ultérieurement valorisables par le monde de l’entreprise. De son côté pourtant, le SNES-FSU Créteil continue de penser qu’un autre collège est possible !

Le « cheval de Troie » de la transversalité imposée et de la polyvalence subie.

 ?laboré par le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) au printemps 2014, puis profondément remanié par la DEGESCO après un simulacre de consultation de la profession à l’automne 2014, le projet de nouveau socle commun serait sur le point d’être validé par le ministère. Pour mémoire, celui-ci se décline en cinq grands domaines de connaissances avec des objectifs d’acquisition et d’évaluation transversales : 1. Les langages pour penser et communiquer ; 2. Les méthodes et outils pour apprendre ; 3. La formation de la personne et du citoyen ; 4. L ?observation et la compréhension du monde ; 5. Les représentations du monde et l ?activité humaine . Tel qu’il se présente, le nouveau socle apparaît comme un véritable « cheval de Troie » de la transversalité imposée et de la polyvalence subie au collège et représente un véritable danger pour notre profession et nos enseignements.

La fin des repères annuels de progression des apprentissages

Le nouveau socle suppose une réécriture des programmes, selon une approche transversale et non plus seulement disciplinaire, parce qu’il doit être enseigné de manière pluridisciplinaire. Pour opacifier le tout, le ministère et la DEGESCO ont insisté auprès du CSP pour que la réécriture des programmes soit « curriculaire » - c’est à dire que les programmes soient rédigés par cycle et non plus par année scolaire, sans repères annuels en ce qui concerne la progression des apprentissages. Seuls les corps d’inspecteurs sont restés sur leur réserve en la matière. Déjà mécontents d’être dessaisis de l’élaboration des programmes, ceux-ci voient dans la logique curriculaire une mise en cause de leur rôle, en raison de l’attaque frontale contre les disciplines et contre le cadre horaire et annuel des apprentissages qu’elle annonce. Pour les enseignants, il est à craindre que l’évaluation pédagogique soit désormais dévolue au chef d’établissement.

L’évaluation transversale des domaines du socle : vers un nouveau LPC ?

Pour couronner le tout, le nouveau socle nécessite une refonte de l’évaluation, car il doit être évalué par domaine et non plus par champ disciplinaire. Cela suppose que les enseignants soient dépossédés de l’évaluation de leur discipline et que l’évaluation soit déterminée de manière collégiale sur la base de compétences transversales et non plus de notes, en croisant les angles d’approches. Il y a là un double danger : d ?une part, celui de se voir imposé un outil d’évaluation informatisé et standardisé ? une sorte de LPC bis ? qui constituerait un outil de pression et de contrôle tatillon de l’activité de chaque enseignant par les hiérarchies intermédiaires et les familles. D ?autre part, celui de se voir dépossédé de toute liberté pédagogique dans la conception des apprentissages disciplinaires et des modalités de l’évaluation, par l’imposition d’un cadre normatif et prescriptif excessif. La validation collective des domaines suggère un accord collectif des équipes pédagogiques sur les capacités de chaque élève, ce qui est loin de toujours être le cas tant le rythme d’apprentissage d’un élève peut varier en fonction de ses affects et de son appétence dans chaque discipline. En cas de désaccord entre les enseignants, il y a fort à parier que le chef d’établissement ou son adjoint tranchera dans le sens le plus favorable aux indicateurs de performance éducative des personnels de direction ? et non en fonction des capacités réelles de l’élève.