10 avril 2009

actu des établissements

Le collège Jean Zay à Bondy refuse d’expérimenter les livrets de compétence

Collège Jean Zay. Bondy

Notre collège a été choisi pour expérimenter une évaluation des compétences du socle commun destinée aux élèves de 3e.

Cette évaluation, par son esprit et ses méthodes, exprime une vision de l ?école et du savoir fondée non plus sur le développement d ?une raison critique mais sur l ?usage quasi exclusif d ?une raison instrumentale inspirée par une pensée techniciste et utilitariste.

L ?école et c ?est un des fondements du projet républicain, forme des individus dont le jugement doit être éclairé par des connaissances disciplinaires solides. Leur maîtrise est la condition non exclusive mais essentielle pour penser et agir librement dans une société qui est la conséquence et le produit mouvant du consentement critique de chacun.

L ?un des principaux problèmes posé par le socle commun est sa structuration en compétences dont le contenu détaillé montre l ?indétermination et l ?ambiguïté. Ce texte postule une objectivation possible du savoir, susceptible d ?être décliné en compétences, domaines, connaissances et capacités. Dans le livret, seule la compétence 4 est divisée sur ce modèle. Il s ?agit et ce n ?est pas un hasard de la compétence portant sur la maîtrise de l ?informatique et des techniques de communication. L ?impossibilité de faire subir aux autres compétences le même traitement montre à la fois l ?artificialité de la démarche et surtout l ?irréductibilité de la majorité des savoirs.

La pratique enseignante confirme très souvent que de nombreux thèmes et sujets, en raison d ?une configuration qui leur est propre, résistent à toute tentative de réification ou d ?atomisation, sauf à les réduire à une suite de lieux communs et de notions trop générales. C ?est semble t il l ?esprit et la démarche du socle. Nous soutenons au contraire, que chaque objet de savoir est le produit de son contexte et du langage qui le configure dans son irréductible singularité. C ?est par la maîtrise de ces objets singuliers mis en perspective, que l ?élève pourra saisir l ?universalité de la condition humaine et comprendre les lois du monde physique. Nous ne prétendons pas que les connaissances forment des objets clos que le professeur délivrerait sans tenir compte des aptitudes qui permettent d ?en saisir le sens. Ces aptitudes ne peuvent se développer et échapper à la vacuité qu ?en les articulant aux disciplines et à la fréquentation intensive des ?uvres de l ?esprit et des pratiques scientifiques et sociales.

Le socle commun rompt avec une structuration disciplinaire des enseignements pour lui substituer une approche dans laquelle les disciplines sont réduites à des outils de validation de compétences censées constituer une culture commune. Par ailleurs, les disciplines scolaires sont mises sur le même plan que les désormais fameux, « savoirs être », concentrés sur la compétence 7. Cette équivalence, savoirs/ « savoirs être », traduit une forme de renoncement de l ?école à sa mission fondamentale qui est, sans préjuger des méthodes pour y parvenir, de transmettre des connaissances. « Les savoirs être »qui ne sont rien d ?autre que la civilité transposée en langage techniciste, sont bien entendu une des composantes de toute démarche éducative mais peuvent ils et doivent ils être mesurés et évalués au même titre et sur le même plan que des connaissances ? S ?il est une aptitude que l ?école doit contribuer à former, c ?est bien l ?esprit critique qui est la base d ?une citoyenneté accomplie. Or, cette disposition de l ?esprit a étrangement disparu du livret d ?évaluation qui nous est soumis. C ?est une confirmation du tropisme utilitariste qui fonde le socle commun.

Plus encore, pourquoi réserver le terme « humaniste » a une seule des compétences évaluées ? Doit-on en conclure que les connaissances scientifiques, technologiques et langagières échappent au projet humaniste dont nous sommes, faut-il le rappeler, les héritiers, via les Lumières et les valeurs de la République. On pourrait y voir l ?aveu involontaire d ?une mutation diffuse des valeurs qui fondent notre système éducatif et par là même notre société. Si tel est le cas, nous ne pouvons que nous y opposer.

Enfin, nous considérons qu ?une telle évolution de nos enseignements portera encore un peu plus préjudice aux élèves issus des milieux les plus défavorisés. L ?appauvrissement et l ?indétermination des contenus disciplinaires qui résulteraient de la mise en place du socle commun feraient de ces élèves les dupes d ?un système qui leur est déjà défavorable en ce qu ?il masque par des affichages comptables, moraux et scientistes, la régression inégalitaire dans laquelle est tombée l ?école depuis de longues années. Ces compétences générales dont certaines peuvent ne pas être acquises dans leur globalité, seront une base très insuffisante dans le cadre du lycée et plus encore dans celui de l ?enseignement supérieur quelles qu ?en soient les formes. On peut bien sur renoncer à cette ambition pour nombre d ?entre eux mais, cela va sans dire, ce n ?est pas notre cas.

Nous ne prétendons pas que le statu quo soit souhaitable, bien au contraire. Nous pensons cependant que les postulats et les démarches qui définissent le socle commun viennent s ?ajouter à la longue liste des réformes cosmétiques du système éducatif, qui sont autant de marques d ?impuissance à répondre à la massification scolaire qui est moins que jamais synonyme de démocratisation.

Pour ces raisons, nous ne renseignerons pas ces grilles d ?évaluation.