les équipes des lycées « expérimentaux » de
Seine-Saint-Denis (Blanqui à Saint-Ouen, Renoir à
Bondy, Nobel à Clichy-sous-bois et Feyder à
Epinay-sur-Seine) ont rédigé un communiqué de presse
pour alerter des dangers d’une politique de réduction
budgétaire contradictoire avec l’encouragement des
expérimentations, et dangereuse.
Communiqué de presse
Lorsqu ?en novembre 2005, les « événements » ont éclaté dans un grand nombre de quartiers de banlieues, la France entière s ?est émue de voir des lieux aussi symboliques que des écoles brûler sous le regard des caméras. On aurait pu s ?attendre alors à ce que cet émoi collectif aboutisse à la recherche d ?une profonde et durable réponse éducative à cette crise.
Or, rares ont été les acteurs de la société à se mobiliser autour de cette nécessité.
Contre toute démission et tout fatalisme, pourtant, un certain nombre d ?établissements de l ?enseignement secondaire, situés en Seine Saint-Denis, ont tenté d ?élaborer un projet éducatif nouveau. Quatre lycées ont ainsi été étiquetés « expérimentaux ». Ils sont six depuis la rentrée 2007, et essaimeront encore à la rentrée 2008.
Pour cela, ils ont été soutenus par plusieurs institutions et partenaires publics : le Ministère de l ?Education nationale, la région Ile-de-France, le rectorat de Créteil, Sciences-Po Paris, de nombreux établissements de l ?enseignement supérieur, ainsi que la plupart des grandes entreprises françaises, signataires de la charte de la diversité.
Le nombre et la valeur symbolique de ces acteurs donnaient alors toute l ?apparence d ?une réelle prise de conscience, et d ?une exceptionnelle mobilisation.
Sur le terrain, en effet, les équipes d ?enseignants se sont investies avec conviction, détermination et imagination dans des dispositifs à la fois modestes et ambitieux pour mieux répondre aux attentes de la jeunesse qui leur est confiée. Ces lycées « expérimentaux » sont aussi devenus les vitrines de la volonté du Ministère de promouvoir l ?expérimentation pédagogique, comme le stipule l ?article 34 de la loi d ?orientation et de programme pour l ?avenir de l ?école du 23 avril 2005.
Si nous acceptons volontiers d ?être mis en avant par les institutions et la presse, nous ne souhaitons pas pour autant servir de caution à une politique suicidaire.
Il nous apparaît en effet pour le moins paradoxal qu ?alors même que nous sommes parfois cités en exemple, nous soyons touchés par des suppressions de postes incompatibles avec la poursuite du dispositif. Plus généralement, ces suppressions dans tous les établissements vont à l ?encontre d ?une politique de pérennisation des équipes, d ?un ancrage plus solide des professeurs dans leur territoire d ?exercice.
La vision tristement comptable de la politique publique actuelle, qui tend à promouvoir l ?inflation des heures supplémentaires, nie que le travail des enseignants est un ensemble qui comprend, certes, le nombre d ?heures de cours, de préparation, de correction mais aussi l ?espace de la concertation entre les professeurs, de l ?élaboration de projets éducatifs, et de lien avec les familles.
Cet investissement « périphérique » est loin d ?être négligeable : il est au contraire ce qui modifie considérablement la réussite des élèves, et leur relation à l ?école.
Certes, nous pouvons toujours et encore faire davantage d ?heures de cours ; certes, nous pouvons travailler avec moins de collègues ; certes, nous aimerions parfois augmenter notre pouvoir d ?achat, mais alors il faudra que l ?Etat assume que sa jeunesse, et en particulier sa jeunesse en difficulté, soit abandonnée à des instructeurs désabusés et épuisés.
Nous refusons de valider une telle vision de notre fonction.
C ?est pour cela que nous nous sommes investis dans l ?expérimentation pédagogique en 2005.
C ?est pour cela que la politique actuellement mise en ?uvre nous paraît contradictoire et dangereuse.
Les équipes des lycées expérimentaux en Seine Saint-Denis