Une agression a eu lieu au lycée Paul Eluard de Saint-Denis (93) peu avant 10 h ce mercredi 30 septembre. En plein cours, un élève en a attaqué un autre à l’arme blanche. Nos pensées vont d’abord à la victime et sa famille. Nous apportons aussi notre soutien aux collègues et élèves présent-es, dont beaucoup sont traumatisé-es.
Parce que les infirmières n’ont pas été remplacées alors que nous le demandons depuis la rentrée, l’élève poignardé a été pris en charge d’abord par des professeur-es, des camarades de classe et la vie scolaire, avant l’arrivée du Samu. Ses jours ne seraient pas en danger. Le suspect a été arrêté par la police. Les motivations ne sont pas connues à l’heure où nous envoyons ce communiqué.
Vers 10 h 30, les cours étaient suspendus, les élèves renvoyé-es à la maison, et les personnels invités à une réunion d’information avec la direction, le recteur M. Auverlot, puis la présidente de la région Mme Pécresse.
Un cap est à nouveau franchi dans les violences qui s’exercent à l’intérieur et aux alentours du lycée, et qui rajoutent aux souffrances au travail que nous dénonçons depuis des années : diminution des moyens, emplois du temps invivables, manque de personnel socio-sanitaire, silence de nos autorités à nos demandes répétées d’audience, etc. Depuis la rentrée, nous devons aussi faire avec l’impréparation sanitaire face à la pandémie.
Plusieurs dizaines de collègues ont par exemple exercé leur droit de retrait il y a trois semaines pour dénoncer les conditions sanitaires de la rentrée, notamment le non-remplacement des deux infirmières absentes au mois de septembre. Non seulement nous n’avons pas eu de réponse, non seulement les postes n’ont pas été pourvus, privant 2 000 élèves de tout référent santé direct en pleine épidémie, mais notre droit de retrait n’a pas été reconnu et compté comme jours de grève. Ce mercredi, aucune infirmière n’était présente et c’est un adolescent qui a dû appliquer le point de compression sur la blessure.
Nous prenons acte de la présence et du soutien du recteur et de la présidente de la région. Nous veillerons à ce que les annonces soient concrétisées : la mise en place d’une cellule d’écoute ou encore une audience avec le recteur, dès la semaine prochaine. Mais nous nous posons aussi la question : faut-il attendre qu’un élève soit poignardé en classe pour que le recteur et la présidente de la région s’intéressent aux conditions de travail et à tous les aspects de notre sécurité, de celle des élèves ? Pourquoi n’avons-nous eu aucune réponse à nos demandes concernant le remplacement des postes d’infirmières, le poste d’assistante sociale non pourvue,l’insuffisance du nombre de médecin scolaire (un seul pour… toute la ville), la nécessité de renforcer le pôle des psychologues de l’Éducation nationale avec les conséquences du confinement, la quasi absence d’une médecine professionnelle digne de ce nom pour les personnels ?
Ces responsables viennent car l’agression est un événement intolérable. Mais faut-il comprendre que quand ils ne nous répondent pas alors que nous ne disposons pas d’infirmières, de médecins, de psyEN, de personnels encadrants, d’agents, de gel, de masques, de virucide, d’un circuit de dépistage adapté, la situation serait tolérable ? Et faut-il déduire de leur silence que la dégradation de nos conditions de travail et du cadre de vie, que nous dénonçons depuis des années, serait tolérable ?
Les insuffisances que nous soulignons à nouveau aujourd’hui ne sont pas étrangères à cette irruption de la violence à l’école. Elles en font le lit en même temps qu’elles témoignent de l’abandon, de longue date, d’une véritable politique publique dans le département. L’absence d’infirmière lorsqu’un élève est blessé est évidemment dangereuse et scandaleuse mais cette évidence ne doit pas faire écran au lien de causalité, indirect mais puissamment destructeur, entre la violence du cynisme et la violence du fait divers.