28 septembre 2023

militer

Déclaration de la FSU au CSA-A du 15 septembre

Déclaration de la délégation FSU, CSA 15 septembre 2023

Madame la Rectrice d’Academie, mesdames et messieurs les membres du CSA,

Après 2 semaines de classe, nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas eu une professeure devant chaque classe à la rentrée. Gabriel Attal a reconnu qu’il y avait des difficultés « ici et là ». Nous pouvons en conclure que notre territoire comportant 85000 enseignantes fait partie du « ici et là ». L’opération de communication du ministre autour de l’abaya et du qami a donc échoué dans son objectif de masquer les réelles difficultés de l’enseignement public en France et plus particulièrement dans l’Académie de Créteil.

Il nous semble que cette manoeuvre a voulu masquer la crise d’attractivité que traversent nos métiers, très accentuée dans notre académie, la plus défavorisée de l’hexagone. Tout en contraignant encore le corps des femmes, particulièrement celles présumées issues de l’immigration.

Pour le 1re degré dans notre Académie, les rentrées se suivent et sont pires d’année en année. La pénurie d’enseignant-es et le manque d’attractivité participent grandement à une dégradation des conditions de travail pour nos collègues et aux conditions d’apprentissage pour nos élèves. Malgré les efforts des services, des postes d’enseignant-es et de direction d’école étaient vacants dès le 4 septembre… et on vous fait grâce de tous les postes hors la classe (RASED…) pourtant indispensables au bon fonctionnement des écoles. La situation de l’ASH est particulièrement sensible, notamment celle des ULIS et UE au détriment du droit des élèves et de leur famille. Rendre totales et obligatoires les inclusions des élèves d’ULIS en Seine-et-Marne les premières semaines de rentrée, c’est nier les réalités du terrain, nier la présence d’enfants orientés par défaut, nier l’impossibilité d’inclure sans mettre en grande souffrance ces élèves déjà fragilisés par le handicap. C’est nier les efforts réels des équipes à aménager au mieux leur scolarité en collaboration avec les professionnels et les parents dans le cadre de leur PPS.

Les différents concours CRPE ne font pas le plein et ce depuis des années, la moyenne d’admission est très basse et les listes complémentaires inexistantes. La réponse magique devient donc le recrutement massif de contractuelles. Recrutement que nous connaissons et dénonçons depuis 2008. Dès le 4 septembre, en Seine-Saint-Denis, nous comptons 876 contactuel-les pour 562 stagiaires. D’autres sessions de recrutement sont d’ores et déjà programmées. Dès le 4 septembre, plus aucun remplaçant-es ne sont disponibles pour les arrêts ordinaires. Cette situation génère un fort sentiment de démotivation et une souffrance chez les collègues. Les décisions, inédites dans cette ampleur, des CSA-D de fermer des classes après la rentrée désorganisant l’ensemble des écoles concernées, témoignent d’un manque de respect du travail des collègues qui ont préparé une rentrée et qui se retrouvent avec un autre niveau de classe et parfois dans une autre école !

A cela s’ajoute un manque criant d’AESH. Notons au passage que l’école inclusive était la grande absente du flyers de propagande ministérielle de rentrée. La revalorisation salariale des AESH est largement insuffisante du fait du manque de perspectives pour leur assurer une juste reconnaissance professionnelle : faibles indices de bas de grille, amplitude de grille réduite, développement de l’indemnitaire aux dépens de l’indiciaire, maintien des temps incomplets… La FSU vous alerte sur les difficultés de gestion relatives à la transformation des CDD en CDI (pressions exercées sur les AESH, retard sur la perception du salaire, charge de travail pour les services, perte de droits chômage…). Nous continuons de revendiquer de meilleures conditions d’emploi pour les AESH avec la création d’un corps, une augmentation de salaire conséquente, la fin des temps incomplets imposés, l’abandon des PIAL et du projet de fusion des AESH/AED. Dans le cadre de l’intersyndicale nationale, la FSU appelle à une nouvelle journée de mobilisation et de grève le 3 octobre sur cette base de revendications.

Dans ce contexte dégradé en cette rentrée éprouvante pour de nombreux.ses collègues qui tentent tant bien que mal d’offrir aux élèves une rentrée la meilleure possible, au détriment de leur temps de travail voire de leur santé tant les problèmes s’amoncellent, les IEN ne trouvent rien d’autre à proposer aux équipes qu’une accélération du calendrier des évaluations d’école ! Ils seraient bien mieux inspirés de venir en appui aux écoles déstabilisées par des fermetures après la rentrée ou l’envoi de contractuels sur les ouvertures qui étaient restées conditionnelles ou bien encore par l’absence d’enseignant.es sur les dispositif ULIS. Sur le terrain, personne n’était demandeur de ces évaluations qui, au-delà de leur aspect chronophage et inutile à un meilleur fonctionnement des écoles, peuvent conduire à un changement de paradigme plaçant les élèves et leurs familles en position d’évaluateurs des enseignantes et des enseignants.

Les collectivités locales sont également associées à cette démarche avec le risque d’ingérence que cela implique. Le danger est grand de faire entrer le service public d’éducation dans une culture du résultat, à l’instar de la logique du secteur marchand qui conduira nécessairement à la mise en concurrence des écoles entre elles. Il est plus facile pour l’institution d’évaluer les écoles que de se questionner sur les manques de moyens accordés aux équipes et leur impact sur les apprentissages des élèves. La FSU-SNUipp, au sein d’une intersyndicale nationale, appelle à l’abandon de ces évaluations d’école et soutiendra toutes les équipes qui refuseront d’y participer.

Dans le primaire, la promotion des « fondamentaux » excluant une part conséquente des savoirs nécessaires à la réussite scolaire, le pilotage des pratiques enseignantes par des évaluations nationales étendues en CM1, le plan maternelle occultant les cinq domaines d’apprentissage, l’imposition d’une conformité aux « valeurs de la République » et à une laïcité coercitive en lieu et place d’une démarche éducative… Gabriel Attal s’inscrit dans la continuité des politiques éducatives régressives. Il cache néanmoins derrière le soit disant « bon sens » façon échange au comptoir du café du commerce une idéologie tout à la fois libérale et réactionnaire. En faisant du CNR « la matrice de l’école de demain », le ministre accentue le poids des pratiques managériales et les inégalités territoriales. Avec la promotion, dans le cadre du Pacte ou par le biais de l’extension des SRAN ("stage de remise à niveau"), de mesures éducatives qui sont des aberrations pédagogiques, ce sont des inégalités scolaires socialement déterminées qui seront amplifiées. Plus que jamais la FSU s’oppose à cette politique éducative qui creuse les inégalités .

Dans le second degré, l’enquête de rentrée effectuée auprès des sections d’établissement démontre qu’il manque des professeures, des CPE, des AED, des AESH, des personnels du pôle santé social dont les PsyEN dans 80 % des collèges et des lycées.Dans 60 % des établissements il manque des professeures.. Nous pouvons donner des exemples édifiants : il manquait plus de 11 professeurs (11,5) au lycée Delacroix de Drancy, au nouveau collège G Halimi d’Ivry, il manquait des BMP en lettres, en Physique-Chimie, en musique en Espagnol. Le chiffre que vous avanciez Mme La Rectrice de 0,15 % de postes non pourvus (44 ETP) est bien éloigné de la réalité. Nous devons ici rappeler que les familles et les équipes sont peu sensibles aux postes non pourvus ou pas, elles souhaitent qu’une professeure soit présente devant chaque classe et nous sommes très loin du compte.

Le manque de personnels du pôle santé-social est criant, cela s’explique par plusieurs raisons :les niveaux de rémunération, le refus obstiné de leur attribuer le CTI, la suspension et le projet de proratisation des primes éducation prioritaire, n’incitent pas les collègues d’autres administrations à venir à l’éducation nationale. Par ailleurs, l’absence d’IFSE (qui ampute de plus de 30% le salaire par rapport à un.e stagiaire déjà sous payé.e), les recrutements tardifs, mais aussi les retards de paiement des salaires font fuir les contractuel.le.s. Et que dire du manque de reconnaissance par l’administration (car dans les établissements heureusement dans la plupart des cas leur place est reconnue) de leur place intégrante dans l’équipe éducative en les cantonnant à des "consultations" ou à la distribution d’aides financières entrainent une perte de sens démotivante.

Le ministère ne s’est pas trop éternisé sur sa reculade au niveau de la réforme du Bac et du lycée mais n’a pas dérogé, au passage, à son statut de plus grande enseigne de bricolage de France en laissant les collègues et les élèves dans l’incertitude en ce qui concerne les programmes et les attendus de l’examen. Le report à juin des épreuves est une étape déterminante pour remettre enfin à plat le lycée Blanquer. Dans cette perspective, la FSU ne se contente pas de cette première victoire et demande au ministre des mesures transitoires comme le maintien des trois enseignements de spécialité en Terminale, la réorganisation complète du Grand oral et de l’EAF, l’allègement des programmes. La FSU poursuit son action avec les personnels pour refaire du bac le premier grade universitaire donnant accès aux études de leur choix aux néo-bachelier.es en le déconnectant des opérations de Parcoursup.

Les récentes annonces faisant du SNU une solution pour reconquérir le mois de juin (notamment pour les élèves de seconde) avec un impact possible dans Parcoursup sont inquiétantes. La FSU continue de demander la suppression du dispositif actuel comme à venir. Plus généralement, elle déplore de voir l’institution faire la promotion, sous couvert d’innovation, d’une forme de militarisation de l’école au travers de la multiplication des dispositifs du type des classes de défense et de sécurité globale.

Que dire du « Pacte » que même le ministre n’ose plus qualifier de revalorisation et qui ne fait absolument pas recette ? Dans de nombreux établissements du second degré de notre académie (toujours selon la même enquête), aucune brique de pacte n’a été distribuée, pour les autres la moyenne est de 2 ou 3 briques (cela est confirmé par l’enquête du syndicat majoritaire des chefes d’établissement qui annonce qu’aucun pacte n’a été signé dans 30% des collèges et lycées) : c’est donc ridicule par rapport aux dotations reçues (entre 50 et 100 briques par établissement). Il en est de même dans le 1re degré. La FSU réclame une véritable revalorisation sans condition basée sur une augmentation du point d’indice.

Après 8 381 suppressions de postes dans le second degré en l’espace de 6 ans, nous ne pouvons que constater les dégâts, y compris dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire : les effectifs explosent (les H/E, nombre d’heures par élève, ne cessent de diminuer dans une grande partie des établissements) et cela a pour conséquence une forte dégradation des conditions de travail et d’enseignement. La FSU demande donc des moyens conséquents qui permettraient de revenir au taux d’encadrement d’il y a 6 ans.

Du côté des lycées professionnels, la réforme portée avec arrogance par la ministre déléguée C. Grandjean qui s’obstine à vouloir l’imposer contre les personnels, est en totale contradiction avec les trois priorités énoncées par le ministre G. Attal. De surcroît, quand la ministre déléguée manie mensonges, contre-vérités et omissions volontaires sur sa réforme, elle en dit long aussi sur le prétendu « choc de confiance » brandit par le ministre.

Sur les 12 mesures de sa réforme, C. Grandjean a choisi de s’expliquer sur seulement 5 d’entre elles.

La gratification des stages pour les élèves aurait pu satisfaire la communauté éducative mais, tellement mal ficelée et injuste, elle a recueilli l’opposition quasi unanime des membres du Conseil supérieur de l’Éducation.

Concernant le Bureau des entreprises, C. Grandjean ment sans vergogne : il n’y aura pas un personnel par lycée pro ! Tout simplement parce que certains schémas académiques ont déjà annoncé que ces personnels seront affectés sur plusieurs établissements dont des CFA. Dire que ces Bureaux des entreprises serviront à trouver un emploi ou un contrat d’apprentissage aux élèves c’est bien révéler l’objectif premier de sa réforme : mettre les jeunes au travail au détriment de leur formation et de leur diplôme. C’est bien un objectif de « moins d’école » dont il s’agit ! Le fameux « plus d’école » comme l’effort sur les « fondamentaux » ne concernent donc pas les lycéennes et lycéens professionnelles. Une autre preuve : aucune perspective de récupération des heures d’enseignement dramatiquement perdues depuis la réforme Blanquer.

Un autre mensonge de la ministre déléguée sur le sujet des fondamentaux : elle prétend que tous les élèves de 2de bac pro ou de 1re CAP bénéficieront d’heures en groupe d’effectifs réduits en Français et en Maths. C’est faux car les groupes d’effectifs réduits seront conditionnés à l’adhésion au pacte LP par les collègues. Et si l’ouverture artistique et culturelle n’est pas qu’un slogan de rentrée, alors il est indispensable de redonner les heures d’Arts Appliquées, d’Histoire-Géographie et d’EPS durement rabotées par les réformes Blanquer.

Quant à l’arnaque sur les « bac +1 », les fameux Certificats de spécialisation qui ne sont que le nouveau nom des mentions complémentaires, C. Grandjean se garde bien de préciser qu’ils seront dorénavant financés par le pacte LP et non plus en heures postes, c’est-à-dire en emplois !

Sa volonté de poursuivre son objectif de fermetures massives des filières tertiaires à la rentrée pour en ouvrir sur les secteurs en tension est certainement la mesure la plus emblématique de son mépris avéré envers les personnels et du danger pour l’avenir des jeunes. Que n’a-t-elle pas compris de l’échec des politiques adéquationnistes de ces dernières décennies pour vouloir les renforcer ? Que n’a-t-elle pas compris de la nécessité d’écouter les personnels avant d’engager des mesures aussi structurelles ?

Un mystère demeure : Carole Grandjean n’a évoqué ni son projet d’avancer en mars/avril les épreuves de bac pros, ni son obstination féroce à augmenter les stages donc à fabriquer « moins d’école ». Quelle que soit la raison de son silence qu’elle pense sûrement malin, ces deux mesures comme les suppressions brutales de filières tertiaires sont les plus dénoncées et contestées par les collègues. La FSU mettra une détermination sans faille pour les combattre pied-à-pied.

A propos des récentes annonces sur la formation continue qui à terme serait dispensée à 100% hors du face à face pédagogique, enseignantes, formateurs/trices et même IPR sont très inquiets. La priorité serait donc donnée à la lutte contre les absences de courte durée et non à la formation des collègues. Placer les stages le soir, les mercredis après-midi ou durant les vacances scolaires revient à signer l’arrêt de mort de la formation continue qui est pourtant un droit. Cela risque, de plus, d’accroître de nouveau les inégalités femmes-hommes. Le ministère préfère donc régler les absences de courte durée qui ont beaucoup moins d’impact pédagogique que les absences longues (pour lesquelles les solutions de remplacement sont de moins en moins trouvées). Il s’agit encore d’annonces démagogiques et médiatiques qui servent la communication du ministre dans les médias. Si les collègues se forment moins voire plus du tout, ce sont les élèves qui en pâtiront. La FSU demande donc que ces mesures soient annulées, la formation continue doit se faire sur le temps de travail des collègues avec l’emploi de remplaçant.es en nombre suffisant pour l’assurer.

Sur le bâti scolaire : les températures dans les classes se sont envolées (on a relevé jusqu’à 38 degrés dans l’académie) en cette période de canicule qui démontre l’urgence de se saisir de la question du bâti scolaire et de mener une réelle réflexion environnementale. L’hiver dernier avait révélé les difficultés de chauffage d’un parc d’écoles, de collèges et lycées vieillissant, peu entretenu : l’été enfonce le clou. L’annonce d’un fonds spécifique pour la rénovation thermique des établissements scolaires par le Président Macron est bien loin de permettre à un terme raisonnable de réels effets tant l’enveloppe est ridicule par rapport au nombre d’établissements sur le territoire et au coup réel de telles rénovations !

Partout dans l’académie, les bâtiments accueillant les élèves se dégradent et les conditions d’enseignement deviennent insupportables. La plupart des établissements datent des années 1970, ils sont très largement amiantés, et les canalisations sont vétustes. Par exemple, cinq établissements du Val-de-Marne ont vécu des problèmes d’accès à l’eau, à Villejuif, Maisons-Alfort, Chennevières, Chevilly et Choisy-le-Roi. Certains en sont toujours privés et sont livrés en bonbonnes. Plusieurs se mobilisent pour dénoncer la présence d’amiante se dégradant dans leurs murs, sols et plafonds. Des moyens financiers d’ampleur doivent être débloqués pour la rénovation des bâtis qui se dégradent. La FSU n’aura de cesse, notamment dans le cadre de ses mandats à la FSSSCT (formation spécialisée santé sécurité et conditions de travail) de dénoncer cette situation et de militer pour que les conditions d’enseignement soient décentes pour toutes et tous.

Conclusion : dans ce contexte de rentrée difficile, nous dénonçons donc l’instrumentalisation raciste du port de l’abaya et du qamis. Cette décision nous semble tout d’abord peu applicable du fait de l’appréciation très subjective de la religiosité supposée d’un vêtement. La validation par le Conseil d’État de la notion d’intentionnalité du vêtement pose question à plus d’un titre : c’est la porte ouverte à des prises de position discriminatoires à l’entrée des collèges et des lycées avec un possible renvoi de jeunes filles et garçons chez elles et chez eux. Le dialogue prôné par la loi du 15 mars 2004 laisse ainsi la place à l’assignation arbitraire des élèves à une religion réelle ou supposée quand, dans le même temps, les chantres de cette laïcité dévoyée qui ne cessent d’agiter le spectre d’un ennemi intérieur en train de « tester » la République financent à 73 % l’enseignement privé confessionnel (8 milliards d’euros en 2022) !

Nous nous opposons à la stigmatisation des jeunes filles, plus touchées par cette interdiction, avec un risque d’atteinte à la liberté de chacune de s’habiller comme elle le souhaite. Il y a deux ans, une polémique sur le port des crop tops dans les établissements scolaires pointait du doigt les jeunes femmes qui ne se « couvraient pas assez », cela relève d’une même logique patriarcale de contrôle des corps qui veut imposer une norme vestimentaire aux femmes accusées soit de cacher trop leur formes, soit de trop les montrer.

Enfin, la FSU espère que votre nomination, madame la Rectrice, inaugure une nouvelle ère de dialogue social constructif et respectueux des mandats qui nous ont été confiés par nos collègues. Nous vous souhaitons la bienvenue ! Vous pourrez compter sur la FSU et ses représentants dans La Défense du service public d’education au service de l’emancipation des élèves comme dans le respect du droit des personnels.