La profession attendait les premières mesures du nouveau ministre avec impatience. Pendant la campagne, ce dernier avait semblé entendre le ras-le-bol de la profession face à la mise en place autoritaire du socle commun et de son cortège d’évaluations et de dispositifs inefficaces et très coûteux en temps. L’engagement de suspendre le livret personnel de compétences avait été clairement formulé pendant la campagne. Cette mesure ne coûtait pas un euro, aurait permis de faire baisser le niveau de tension dans les établissements entre les enseignants et l’institution ( direction, inspecteurs, formateurs) et de marquer symboliquement un changement dans le positionnement du ministère par rapport à la profession.
En finir avec le LPC
En lieu et place de la suspension que la profession attendait, le Ministre s’est contenté d’écrire dans sa lettre aux personnels « La conception et les composantes du socle commun seront repensées. [...] Le livret personnel de compétences actuel est inutilement complexe. Il est trop tard pour le modifier pour la prochaine rentrée, mais il connaîtra des simplifications indispensables et des évolutions ». Cette position d’attente est un point d’appui pour refuser plus fermement encore de faire fonctionner le LPC. Elle témoigne également de la pression qu’exerce l’UNSA et le SGEN sur un pouvoir dont ils se sentent proches afin de sauver le socle commun. En définitive, l’opposition très large de la profession au LPC est en train de le transformer en un objet mort-né. Ce qui va se jouer dans les semaines à venir c’est bien le destin du socle commun.
La Bataille à venir sur le socle commun
On peut faire un premier bilan du socle commun mis en place par la loi Fillon.
L’idée de définir ce que les élèves doivent savoir à la fin de la scolarité obligatoire n’etait pas illégitime. Le problème tient à la définition que propose le socle. Il marginalise des disciplines (EPS, arts plastiques, éducation musicale, technologie), réduit les savoirs à une somme de compétences fragmentées déclinées en tâches à accomplir au détriment d’une compréhension réelle des sujets étudiés. La culture et l’épanouissement personnel ne sont plus que le supplément d’âme d’un ensemble prisonnier d’une conception naïve et linéaire de ce en quoi consiste l’acte d’apprendre pour un élève.
Le décret de 1996 modifiée en 2006 ne précise plus que le collège doit préparer tous les élèves à la poursuite d’étude. On crée la possibilité de faire la différence entre les élèves dont les apprentissages se réduiront au socle et ceux qui étudieront l’ensemble des programmes. On commence ainsi à voir apparaître des "classes socle" et les collèges ECLAIR notamment, sont censés recentrer les apprentissages de leurs élèves sur le seul socle commun.
Autour du débat sur le socle se joue la question de la position du collège dans le système éducatif. Ses tenants affirment, sans élément pour le démontrer, que le passage de l’école au collège est source d’échec scolaire et que réformer le collège en le rapprochant de ce qui le précède permettrait de mieux faire réussir les élèves. S’il est intéressant et utile de réfléchir à une meilleure liaison école/collège, l’étude des résultats aux évaluations montre que si le collège ne parvient pas à lutter contre l’échec né à l’école il ne l’accentue que très peu. Le socle et la primarisation du collège sont des fausses pistes qui vont à l’encontre d’une réelle élévation de la formation de tous. En revanche, la primarisation du collège, en coupant davantage ce dernier du lycée, permet « d’économiser » des milliers de postes en justifiant la bivalence et l’enseignement des professeurs des écoles au collège. Quand on cherche à faire baisser de manière drastique les dépense de l’état, la perspective est alléchante.