13 novembre 2023

le métier

Harcèlement scolaire, de la réalité du terrain aux effets médiatiques

Harcèlement scolaire, de la réalité du terrain aux effets médiatiques

Le harcèlement affecte à bas bruit une proportion non négligeable d’élèves qui taisent leur souffrance et ne veulent pas la montrer à leur entourage. Les enseignantes, les CPE, les surveillant es comme les parents ont ainsi du mal à détecter les indices de cette souffrance.

Le jour de la rentrée des vacances de novembre, les enseignantes ont découvert une journée nationale sur le harcèlement le 9 novembre, les mettant dans l’embarras pour préparer leurs interventions auprès des élèves. Comme d’habitude maintenant , cette injonction subite a été diffusé largement dans les médias par le ministre qui s’est efforcé de faire apparaître verbalement sa détermination à traiter ce problème.
Il est évident que le ministre Attal voulait faire montre de sa réaction après les événements survenus en septembre. Le triste suicide d’un élève victime de harcèlement depuis la précédente année scolaire à Poissy a montré le mépris de notre hiérarchie face aux signalements venant du terrain. Dans ce cas, le rectorat de Versailles avait renvoyé le problème aux parents en les menaçant juridiquement. Le 18 septembre, à Alfortville (94), un élève soupçonné de harcèlement est arrêté de manière musclé par la police : irruption en pleine classe et extraction de l’élève menotté. Le 27 septembre, après un comité interministériel, Elisabeth Borne a fait des annonces largement insuffisantes : « cours d’empathie » en primaire, grille de détection distribuée aux élèves, des sanctions, rien de plus sur la prévention.

En ce début novembre sur le terrain cheffes d’établissement et enseignantes se sont trouvées démunies face au caractère caché du harcèlement. Nous ne sommes ni préparées ni formées pour échanger et débattre avec les élèves sur ce sujet délicat. L’injonction n’a pas été accompagnée par le ministère des mesures et d’outils pédagogiques pertinents.
Pour finir les collègues ne sont pas senties prêtes pour aborder ce sujet en classe. En grande majorité, le ou la professeure principale a fait remplir la questionnaire du ministère par les élèves sans débat, en une heure ou moins.

Nous en avons assez de cette manière subie, autoritaire et descendante.
Par ailleurs, il est détestable que les élus politiques et les médias ne prennent en compte que les erreurs ou les échecs. Ils ne valorisent jamais le rôle de l’École et ne pensent qu’à des économies d’échelle à son encontre.

Le métier d’enseignant n’est ni un métier « de service » ni d’exécutant. L’enseignement ne consiste pas à imposer aux élèves ce qu’iels doivent penser mais à créer des situations pour qu’iels pensent, progressent dans l’autonomie et la citoyenneté. Pour cela, nous n’avons pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens.

Pour lutter contre le harcèlement dans les collèges et les lycées nous avons besoin de personnels formés et en nombre suffisant, notamment d’assistance sociale, de psychologue de l’éducation, de CPE. Le programme Phare n’avance que trop lentement, il manque de moyens. Tous les personnels doivent être formés pour détecter les indices à bas bruit du harcèlement et pour assurer collectivement dans l’établissement toute la prévention nécessaire. Cela implique des effectifs moins chargés dans nos classes.